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Move-On Magazine

Nazanin Pouyandeh s’expose (à nu ?) à La Fabric - Annecy


Fondation pour l’Art Contemporain Salomon
Du 25 Janvier au 11 Avril 2020


| Publié le Dimanche 26 Janvier 2020 |

Nazanin Pouyandeh ©Paul Rassat
Nazanin Pouyandeh ©Paul Rassat
Nazanin, quand on découvre l’exposition, on est frappé par le foisonnement, la profusion, la multiplicité d’inspiration et le graphisme rayonnant.
C’est le langage par lequel j’arrive à m’exprimer.

On a l’impression que vous maîtrisez, ou que vous canalisez par ce langage un foisonnement intérieur.
Je crois qu’un artiste tente pendant toute sa vie d’exprimer le chaos par lequel il est envahi. Le chaos de chacun est différent et représente ce qu’on vit.

Certains chaos sont tristes, par le vôtre.
Grâce à l’humanité. J’existe parce que la peinture existait avant moi. D’où toutes mes références non seulement à la peinture mais aussi à l’histoire de l’art, aux arts populaires de nombreux pays. Lors de mes voyages je découvre de nouvelles cultures, des choses sur l’humanité que j’ai envie de m’approprier par le biais de ma peinture.
Est-ce que j’essaie de maîtriser ? Je pense qu’on n’y arrive jamais.

Maîtriser au sens de donner forme à quelque chose qui vient réellement de l’intérieur.
Est-ce que l’artiste ne fait pas ça systématiquement ?

Certains trichent, copient, cherchent avant tout à plaire.
Pour moi, ce n’est pas une démarche intellectuelle ; je pense et je vis comme ça. L’art est fait pour communiquer sur les choses les plus fondamentales de l’existence, la peur, la mort, la violence, le désir…En voyant une œuvre d’art, le spectateur doit se sentir concerné d’une manière ou d’une autre, même par le rejet de l’œuvre. Il est question d’ agir sur l’émotion du spectateur, mon travail en exprime beaucoup, qui ne sont pas toujours « canalisées ». Je comprends ce que vous voulez dire, c’est assez viscéral.

Votre travail n’est pas dans la re-présentation, comme si vous viviez réellement ce que vous montrez.
Je le vis, ou bien je vois d’autres personnes le vivre, c’est une sorte de témoignage.

Qui ne demeure pas froid, objectif, vous vous y impliquez. Le regard est déjà une participation. Vous partagez ce que vous voyez.
Je tiens essentiellement à des valeurs comme l’universalisme. Edouard Glissant dit qu’au contraire du métissage pour lequel on peut prévoir ce qui va arriver, la créolisation donne une 3° chose qui naît de deux forces qui se rencontrent. La culture blues, créole sont ces 3° choses, qui existent dans tout, dans l’art aussi. La disparition des frontières due aux guerres, à la pauvreté gomme de plus en plus l’identité nationale, d’où un universalisme, même par obligation. Je suis le fruit de ce mouvement et mon travail en est le reflet. Ces mouvements de migration ouvrent l’imaginaire vers l’autre et sont une source de création géniale. Il ne s’agit pas d’homogénéiser ; vivons tous ensemble sans revendiquer des identités nationales ou culturelles qui seraient supérieures à d’autres.

Ceci rejoint votre travail, l’exubérance et la profusion qu’il montre dans une sorte de mosaïque où tout est imbriqué et garde sa place à travers des références aux grands mythes, aux grandes œuvres, avec l’expression de votre personnalité d’artiste.

De quoi part votre travail ? Comment se construit-il ?
Je peux vous parler de « La cité céleste » qui est dans la thématique de mon travail de ces dernières années.

L’idée de départ m’arrive comme une sorte de flash, comme une image vue dans un rêve, sans analyse immédiate. Il s’agit de la bataille de certaines femmes. Dans chacune de mes œuvres, quel que soit le format, une tension provient de forces qui s’opposent, le bien et le mal, le paradis et l’enfer, le beau et le laid. Pour « La cité céleste » je montre des filles habillées comme pour aller à la fête qui se trouvent au milieu de décombres. Elles sont en train de se bagarrer mais n’ont pas l’air si malheureuses ; on arrive à cette expression de Deleuze qui parle de la beauté de la catastrophe. L’Homme a toujours vécu la beauté de la catastrophe, qui l’a toujours fasciné.

La violence est fascinante.
Ce n’est pas esthétiquement beau, mais elle crée une émotion forte. « Apocalypse Now », de Coppola, « Full Metal Jacket » de Kubrick font partie des films qui m’ont le plus marquée, sans doute parce que j’ai été très marquée par la guerre en Iran lorsque j’étais petite.

Pour réaliser un tableau comme celui-ci, j’appelle mes amies, je leur demande d’apporter des accessoires, en l’occurrence des habits, des robes colorées, avec des motifs. Elles prennent une pose assez précise qui correspond à mon idée, chacune avec un rôle défini. Comme dans certains tableaux anciens, des modèles apparaissent à travers deux personnages. A partir de mes photos, je commence à représenter mes personnages à main levée. Cette façon de travailler est philosophiquement emblématique de ma démarche puisque c’est l’Homme qui en est le cœur. C’est pourquoi je commence par la figure humaine que je mets ensuite en place dans un paysage imaginaire. Pour ce tableau, mes modèles n’ont pas posé dans des ruines mais dans mon atelier, le sol s’est constitué comme un puzzle, chaque brique en a entraîné une autre. A partir d’une masse de photos de bombardements je compose le décor.

Vous « composez », ça donne l’impression que vous fonctionnez toujours par associations d’idées.
Bien sûr.

C’est la définition même de l’intelligence, qui consiste étymologiquement à relier.
C’est aussi une forme d’improvisation, ça se fait au fur et à mesure.

Vous vous amusez, vous jouez. Pour « La cité céleste » vous jouez sur le titre, sur les ruines qui font penser à un décor de théâtre avec une perspective accentuée. C’est à la fois très étudié et très spontané.
Tout a l’air très réel mais c’est un piège. Le spectateur pense retrouver un espace très réaliste mais les personnages n’ont pas d’ombre, la végétation est impossible parce que certaines espèces ne peuvent pas voisiner avec d’autres dans la nature. C’est une créolisation.

Et c’est ce qui surprend à l’arrivée dans l’exposition. On ne sait pas tout de suite à quoi c’est dû mais on a l’impression de réalisme et d’étrangeté mêlés.
Je me suis construite à travers ce langage, qui me ressemble et m’étonne.

« Je me suis construite », votre relation personnelle à la réalité n’est pas univoque.
Je suis un patchwork de cultures, de civilisations, de rapports…mais mon œuvre n’est pas autobiographique. La vie de mon spectateur n’est pas moins importante que la mienne. Je ne lui impose jamais les éléments de la mienne.

C’est ce qui fait que tout est ouvert à plusieurs interprétations, ce qui nous ramène à la première salle de l’exposition.
Qui montre des œuvres érotiques. Ce travail vient d’une rencontre avec une artiste iranienne qui élabore des coffrets de gravures en collaboration avec d’autres artistes. C’était l’occasion de découvrir avec elle la jeune génération iranienne que je trouve intéressante et très douée.
Le coffret devait contenir cinq gravures, plus un dessin original. J’avais carte blanche pour travailler et elle réaliserait ensuite les gravures et le coffret en Iran à partir de mes réalisations.
J’ai donc eu l’idée de jouer avec le désir et l’érotisme que je traite à l’égal d’autres sujets habituellement. J’ai décidé de pousser un peu le risque artistique d’une réalisation en Iran et d’y associer la notion d’un travail secret, puisque le coffret se ferme. Pourquoi pas un travail érotique ?

C’est la première fois que je réalise une série d’œuvres dont l’érotisme est poussé jusqu’à ses limites. J’ai inventé un personnage, Mina, le coffret s’appelle « La vie secrète de Mina » et il est le reflet de la vie secrète de tout le monde, des fantasmes de chacun d’entre nous, qui lui donne ou non le droit d’exister.

Comme dans tout le reste de votre production, vous jouez, vous jouez avec le désir qui y est présent partout à des degrés divers, même dans vos représentations des mythes.
C’est tout simplement le désir de vie.
J’ai été très intéressée par les écrits de Jung sur l’inconscient collectif. Il affirme qu’un mythe a autant d’influence sur un individu à sa naissance que les gènes.

La cité céleste
La cité céleste
Vous parliez tout à l’heure de votre art comme de votre langage, c’est intéressant parce que les mots qu’on utilise, comme votre art, nous préexistent. Ils véhiculent des choses qui nous dépassent. Comme les mythes.
Les artistes ont la mission d’écrire l’Histoire.

Si nous disparaissons complètement, la chose la plus intéressante que l’on découvrirait sur nous par la suite serait l’art.

 
Méduse, pétrification, chauve souris, dragons , diables, serpents, masques comme des tatouages ou bien des écorchés, vanités, arbre coupé, flèches/crayons transperçant et dessinant un Saint Sébastien, crocodile, monstres marins…
De quoi sommes-nous faits ?

 

Nazanin Pouyandeh s’expose (à nu ?) à La Fabric - Annecy




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