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Move-On Magazine

Regards croisés sur la musique électronique source de liberté


Electro mai troppo (Jamais trop d’électro…)


| Publié le Lundi 1 Avril 2019 |

Chloé au Brise Glace
Chloé au Brise Glace
Il y a un an, Move-On Mag avait rencontré Christophe Lyard, fondateur de Futuria Prod et l’un des pionniers de la musique électronique. Nous avons gardé de cette discussion un texte qui vous est proposé en 2° partie.
La première est un moment de la contribution que l’artiste Chloé a apportée le 22 mars 2019 lors d’une table ronde organisée au Brise Glace d’Annecy en partenariat avec l’association « Lueur » animée par Rosine et Marie, qui reprend la flamme locale.

Il faut d'ailleurs souligner qu'à ses débuts ce genre de musique était aussi dynamique et inventif en régions qu'à Paris, plus particulièrement en Rhône-Alpes.

Ces deux regards sur la musique électronique constituent une excellente mise en perspective de celle-ci.
 

Chloé

 J’ai connu la musique électronique à une époque où elle était mal vue, pas forcément comprise. Les institutions en avaient une mauvaise opinion et ne la soutenaient pas financièrement, ni les soirées, ni les événements, ni les artistes. Il est drôle de voir que c’est devenu aujourd’hui un vrai business. Tant mieux, d’ailleurs. Je ne comprenais pas pourquoi ça ne prenait pas auparavant. Dans toute démarche qui devient connue, il y a du bon et du moins bon. Il m’arrive de regretter parfois ces moments où on avait l’impression d’être dans une espèce de bulle à part.
 
C’est sans doute le cas aujourd’hui encore, j’avais l’impression que cette musique pouvait réunir tout le monde, toutes les catégories socio professionnelles. Quand je l’ai découverte, elle s’exprimait à travers les raves et à Paris elle était associée au monde gay. C’est pour cette raison que je suis restée en résidence au Pulp, une boîte de filles, pendant une dizaine d’années.
 
A mes débuts, j’ai été très soutenue par les gays, filles ou garçons. J’ai été régulièrement invitée aux soirées « Têtu ».
 A la fermeture du Pulp, en 2010, il y a eu un grand vide, des pétitions ont même tourné avec l’intitulé « Paris est une ville qui dort ». C’était l’époque des lois anti  tabac, dont l’utilité est indiscutable, mais qui nécessitaient l’aménagement d’espaces pour les fumeurs. Beaucoup d’établissements ont fermé parce qu’ils n’avaient pas les moyens nécessaires pour ça. De nombreux artistes sont allés à Berlin pour ces raisons et je ne comprenais pas qu’une ville comme Paris, une capitale européenne ne dispose pas de grands clubs.
 
Aujourd’hui, en revanche, il y a plein de nouveaux clubs… soutenus par les institutions ; les nouvelles générations reprennent les raves et leurs codes : il y a une véritable ébullition.


Christophe Lyard

Il est utile de retracer le cheminement de la musique électronique à ses débuts en Rhône-Alpes et au-delà pour diverses raisons.
C’était un mouvement officiellement inconnu dont la communication s’effectuait par flyers et qui a cependant engendré les musiques actuelles.
Avant 91, le son de cette musique n’existait pas et les gens qui le découvraient vivaient un déclic, une véritable découverte.

L’absence d’enregistrements nécessitait de se déplacer pour assister aux soirées, de guetter les prochaines, de parcourir des centaines de kilomètres pour s’y rendre. La musique se transmettait uniquement par cassettes dupliquées. En 93/94, la Fnac lance un label… qui tient dans un seul bac.
Au sein de cet univers de musiques électroniques de l’époque, les spécificités locales tenaient plutôt à la manière d’organiser les événements qu’à la musique elle-même. Il faut cependant signaler Grenoble, pour la région Rhône-Alpes, qui a été très prolifique et qui se caractérisait par un son Détroit, assez techno et dur. Cette identité était liée aux goûts de ceux qui prenaient l’initiative d’événements.
Les premiers concerts réunissaient plusieurs types de cette nouvelle musique car on ne savait pas encore établir des différences. On découvrait. Ces différences viennent du BPM, battements par minute. A 120 BPM, c’est le beat house, à 140, la techno….

Les soirées démarraient à 110… on arrivait à 120 vers minuit, à 2 heures du matin on était à 130 pour atteindre 150 à cinq heures, et puis ça redescendait progressivement jusqu’à midi.
Tout cet univers reposait bien sûr sur la musique, la production musicale, dont témoignent maintenant des CD et les images des soirées. Le regard des médias, des politiques et du pouvoir a heureusement évolué. Pendant longtemps, les événements liés à ce type de musique ont été interdits en France alors qu’ils se tenaient un peu partout en Europe. En France, certains ont même fait de la prison.

Il est important de réaliser ce qu’a représenté ce mouvement alternatif, comment les gens l’ont découvert et comment ils ont vécu cette musique inédite qui reposait, à ses débuts, sur le moment, sur l’instantané, et dont les événements qui la faisaient vivre duraient bien plus longtemps que les concerts traditionnels.

L’essentiel se passait pendant l’événement dont public et DJ étaient également les acteurs. Les DJ de l’époque n’étaient pas des stars, ils faisaient danser les gens sans chercher à se mettre en avant.
Il est étonnant de constater que 28 ans plus tard, en 2018, les mêmes DJ passent la même musique à des jeunes qui ont vingt ans aujourd’hui et qui la découvrent avec la fraîcheur de quelque chose de nouveau. Ceci est vraisemblablement lié aux BPM, à ces battements primaires qui créent un effet tribal, de « messe », un effet intemporel et communautaire.

Même informel, ce mouvement musical de départ a toujours existé en se scindant et en « faisant des petits » à travers différents types de musique.

En 91, il y a réellement eu la naissance d’un phénomène à travers des soirées folles perdues dans « la pampa » française. Cet enthousiasme communautaire vit et est encore nécessaire dans une société qui se crispe, qui repose de plus en plus sur une approche gestionnaire et technocratique. Ceci explique vraisemblablement pourquoi les jeunes d’aujourd’hui envient la musique des actuels cinquantenaires.
Il faut leur raconter toute cette histoire, savoir aussi si cette musique leur dit aujourd’hui les mêmes choses que dans les années 90, ce qu’elle représente. En l’absence d’enregistrements, chaque soirée était unique et il fallait y donner le meilleur de soi-même. La technique, la reproduction…ont tout bouleversé.

Il y a aujourd’hui une recherche de l’exigence et de la vérité d’autrefois à travers ce type de musique.

Archives Christophe Lyard
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