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Restaurer des œuvres d’art


Rencontre avec Fanny Grué et Jennifer Vatelot, deux restauratrices d'oeuvres d'art, au château de Montrottier.


| Publié le Jeudi 1 Août 2019 |

Restaurer des œuvres d’art
Lors de notre passage au château de Montrottier, nous avons eu la chance de bavarder avec ces deux restauratrices opérant sur une très belle Pietà en bois du 15ème siècle.
 
La discussion (à trois voix) s’engage sur les couleurs d’origine, les matériaux qui les composaient, le rendu de la carnation aujourd’hui disparu.

Les deux restauratrices se dirigent vers un « dégagement » qui constitue à clarifier les teintes, avec seulement quelques retouches, à clarifier avec des couleurs réversibles donc dans le respect de l’œuvre ce qui a été encrassé par le temps ou blanchi et à harmoniser l’ensemble afin d’éviter les contrastes trop marqués.
 
Qui décide de l’esprit de la restauration ? Il est adapté à chaque pièce.
Ça dépend en priorité de l’œuvre, de son histoire. On ne va pas forcément aller chercher très loin s’il s’agit d’une œuvre qui a été entièrement décapée et qui présente des surfaces très traumatisées.
Concernant cette Pietà, nos observations montrent que la couleur bleue assez récente est une reprise d’un bleu plus ancien et qu’elle est fidèle à l’original. Nous nous trouvons dans une iconographie très classique.

Tous ces éléments se rejoignent, ceux d’ordre technique que nous observons à travers ces couches picturales, ces repeints blancs qui perturbent la lecture et dont nous allons préconiser le retrait. Nous nous orientons vers ce qui existait à l’origine mais qui est très lacunaire. Il est donc inutile de se montrer très interventionniste et d’engager un budget inadapté.

Et une restauration dans le style Andy Warhol ?
Repeindre entièrement en fluo ? (rires). Oui, mais ça s’appelle de l’art contemporain !
Il y a donc les éléments techniques que j’évoquais ; il faut y ajouter les éléments historiques et le coût qui peut être engagé pour la restauration. Pour des œuvres majeures, pour une découverte exceptionnelle, l’enjeu vaut de passer par un mécénat, pour d’autres cas il faut rester plus modeste.

Pour cette Pietà nous avons un devis d’étude de 4 jours. J’étais passée établir un devis l’année dernière. Il est passé par une commission des musées qui doit valider les choix faits à propos de l’œuvre et ensuite on engage le travail.

Même si cette Pietà date du 15ème siècle et qu’elle a tout son temps, le parcours administratif nécessite un an, un an et demi.
 

La Pietà entre les mains de Jennifer Vatelot et celles de Fanny Grué
La Pietà entre les mains de Jennifer Vatelot et celles de Fanny Grué
Quand vous découvrez une œuvre, vous avez une approche technique mais aussi une émotion particulière ?
Nous sommes spécialisées en sculpture polychromée. Nous connaissons d’autres Pietà, l’une quasi similaire que j’ai restaurée dans le Rhône. Bien sûr, ça nous parle.

Nous sommes techniciennes et notre bagage d’histoire de l’art nous permet de recroiser les œuvres que nous avons rencontrées, d’opérer des rapprochements pour nourrir l’histoire de chacune.

Chaque intervention en nourrit d’autres.
Evidemment. Les conservateurs font appel à nous parce qu’ils savent que nous avons cette base de données dans la tête. Notre activité est aussi à haute valeur artistique mais nous nous plaçons en retrait par rapport à l’artiste. Nous nous contentons de remettre à jour ce qui avait disparu. Nous ne sommes pas des artistes frustrées (rires).
Dans les années 70, il y a eu un retour à la matière et des restaurations assez brutales.

Il vous faut trouver un compromis et bannir les excès dans tous les sens.
C’est très compliqué parce qu’il y a des modes, des choses que nous avons pratiquées nous-mêmes il y a 20 ans… Au fond, nous essayons de ne pas faire plus de dégâts que ce qui a déjà été accompli.
Les choses vont actuellement dans le bon sens. On engage beaucoup de discussion autour des œuvres ; les études préalables deviennent plus systématiques. On a pu considérer autrefois qu’elles coûtaient cher alors qu’elles évitent les excès, de s’engager sans trop savoir où on va.
 
La discussion se poursuit sur le suivi des travaux engagés ainsi que des produits utilisés, même s’ils sont de fabrication personnelle, afin que d’autres puissent reprendre la restauration. Une sorte de « traçabilité. »
Détail amusant et passionnant, la démarche mêle la parfaite maîtrise technique à une ingéniosité très personnelle. Pour preuve, ce produit maison destiné à redonner vie à une Pietà du 15ème siècle conditionné dans un ancien pot de sauce libanaise !
Du bricolart de génie qui associe la cuisine gustative à celle de la restauration (à tous les sens du terme).
 


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