Les correspondances du monde de Frantz Duchazeau en correspondance avec celui de Mozart.
Correspondances qu’il ne faut pas rater pour toutes sortes de raisons.
Ce samedi 17 novembre 2017, Frantz Duchazeau dédicaçait son dernier album chez BD Fugue/Annecy.
Move-On Magazine a pu s’entretenir avec lui.
Frantz, avec « Mozart à Paris » vous nous offrez deux histoires en une, le premier séjour de Mozart enfant prodige à Paris et puis ce deuxième séjour, des passages permanents entre les deux, sa vie à Paris et sa relation avec son père…
Oui, il y a la réalité du quotidien et aussi une dimension plus introspective. Mozart se pose des questions sur lui et les lettres de son père le ramènent à Salzbourg. Le père essaye de dicter de loin les actes de son fils sans y parvenir.
Il y a toujours un décalage.
Un décalage absurde pour nous, mais à l’époque on écrivait une lettre et on la recevait neuf jours plus tard. Le temps de la réponse, il se passait un mois. Il y a là un côté absurde pour nous qu’il me plaisait de montrer. Ce père qui essaye de diriger sa marionnette de loin, ce qui ne marche pas parce que le fils n’accepte plus ce statut de marionnette…alors qu’il aurait besoin d’en être une.
S’il n’avait été qu’une marionnette, serai-il devenu le Mozart que nous connaissons aujourd’hui ?
Le problème est qu’il n’avait pas besoin d’être aidé artistiquement mais qu’on ne doit pas se débrouiller que sur le plan artistique. On a besoin d’alliés autour de nous pour accomplir notre mission. Mozart, lui, est ignorant de tous les codes sociaux. De plus son père s’inquiétait de son peu de prestance alors que l’apparence jouait beaucoup à l’époque. Il mesurait un mètre cinquante, il ne savait pas se tenir, ni parler de façon « enrobée ». Il était très direct, avec l’aspect enfantin de celui qui ne peut pas retenir les choses, quitte à tomber à côté. Il avait des comportements plutôt inappropriés aux situations.
Est-ce qu’il est inapproprié dans sa musique aussi par rapport au goût de l’époque ?
Non, je ne trouve pas. Il est dans la continuité de Haydn, le compositeur le plus connu de l’époque.
Thierry Saint Solieux, qui travaille ici chez BD Fugue, et qui est un vrai mélomane, m’a dit que Mozart, lui, porte tout à la perfection.
Oui, il fait mieux que tout le monde ; la même chose mais en mieux, dit-on. Musicalement, il n’a aucun problème, la difficulté est : comment être au quotidien ? Comment se vendre ? Choses que son père savait très bien faire. Il connaissait très bien les enfants puisqu’il donnait beaucoup de cours, mais il n’a pas réussi à inculquer à Wolfgang tous les comportements sociaux nécessaires pour être accepté dans la société.
Correspondances qu’il ne faut pas rater pour toutes sortes de raisons.
Ce samedi 17 novembre 2017, Frantz Duchazeau dédicaçait son dernier album chez BD Fugue/Annecy.
Move-On Magazine a pu s’entretenir avec lui.
Frantz, avec « Mozart à Paris » vous nous offrez deux histoires en une, le premier séjour de Mozart enfant prodige à Paris et puis ce deuxième séjour, des passages permanents entre les deux, sa vie à Paris et sa relation avec son père…
Oui, il y a la réalité du quotidien et aussi une dimension plus introspective. Mozart se pose des questions sur lui et les lettres de son père le ramènent à Salzbourg. Le père essaye de dicter de loin les actes de son fils sans y parvenir.
Il y a toujours un décalage.
Un décalage absurde pour nous, mais à l’époque on écrivait une lettre et on la recevait neuf jours plus tard. Le temps de la réponse, il se passait un mois. Il y a là un côté absurde pour nous qu’il me plaisait de montrer. Ce père qui essaye de diriger sa marionnette de loin, ce qui ne marche pas parce que le fils n’accepte plus ce statut de marionnette…alors qu’il aurait besoin d’en être une.
S’il n’avait été qu’une marionnette, serai-il devenu le Mozart que nous connaissons aujourd’hui ?
Le problème est qu’il n’avait pas besoin d’être aidé artistiquement mais qu’on ne doit pas se débrouiller que sur le plan artistique. On a besoin d’alliés autour de nous pour accomplir notre mission. Mozart, lui, est ignorant de tous les codes sociaux. De plus son père s’inquiétait de son peu de prestance alors que l’apparence jouait beaucoup à l’époque. Il mesurait un mètre cinquante, il ne savait pas se tenir, ni parler de façon « enrobée ». Il était très direct, avec l’aspect enfantin de celui qui ne peut pas retenir les choses, quitte à tomber à côté. Il avait des comportements plutôt inappropriés aux situations.
Est-ce qu’il est inapproprié dans sa musique aussi par rapport au goût de l’époque ?
Non, je ne trouve pas. Il est dans la continuité de Haydn, le compositeur le plus connu de l’époque.
Thierry Saint Solieux, qui travaille ici chez BD Fugue, et qui est un vrai mélomane, m’a dit que Mozart, lui, porte tout à la perfection.
Oui, il fait mieux que tout le monde ; la même chose mais en mieux, dit-on. Musicalement, il n’a aucun problème, la difficulté est : comment être au quotidien ? Comment se vendre ? Choses que son père savait très bien faire. Il connaissait très bien les enfants puisqu’il donnait beaucoup de cours, mais il n’a pas réussi à inculquer à Wolfgang tous les comportements sociaux nécessaires pour être accepté dans la société.
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L’utilisation que vous faites de la correspondance montre bien toutes les forces qui s’exercent autour de Mozart, de loin où au quotidien, avec le sentiment de culpabilité qu’il éprouve envers sa mère.
Oui, il y a beaucoup de forces autour de lui. La présence de sa mère l’a plus desservi qu’aidé. Sa mort n’a pas arrangé les choses ; elle a participé au fiasco parisien. Il a besoin de gens autour de lui pour l’aider mais ça ne marche pas. Mais c’est pareil quand il revient à Salzbourg. On aurait pu penser qu’il aurait appris des choses, pourtant la même problématique persiste. Il n’apprenait rien de ses échecs avec les contingences de la vie. Son père savait que Wolfgang livré à lui-même courait à la catastrophe.
Peut-être que sa difficulté vient que sa vie se confond totalement avec sa musique. Dans « Lomax », vous faites dire à votre personnage « Je viens vous aider à écrire votre vie. »Ce qui annonce votre Mozart, pour lequel la vraie vie est sa musique, son écriture.
C’est commun à tous les artistes. On a besoin d’avoir quelqu’un qui nous chaperonne pour passer au-dessus des choses parce qu’on peut très bien s’embourber soi-même et ne jamais s’en sortir. A un moment donné, il faut avoir de la chance.
Ce qui est sans doute lié à une curiosité, à une ouverture sur l’extérieur.
Une ouverture pour pouvoir aller plus loin, sinon il est possible de galérer pendant longtemps.
En lisant des livres sur Mozart, bien avant de penser à en faire une bande dessinée, je me suis dit ce n’est pas possible ! D’autant plus que ce que je découvrais va à l’encontre d’ « Amadeus » qui le montre très triomphant même s’il est jalousé. Dans la réalité, on essaye tout le temps de le mettre sous l’éteignoir, sans doute parce qu’il avait plus de talent que les autres ; mais lui-même ne savait pas se vendre et se retrouvait dans des problématiques ridicules.
Oui, il y a beaucoup de forces autour de lui. La présence de sa mère l’a plus desservi qu’aidé. Sa mort n’a pas arrangé les choses ; elle a participé au fiasco parisien. Il a besoin de gens autour de lui pour l’aider mais ça ne marche pas. Mais c’est pareil quand il revient à Salzbourg. On aurait pu penser qu’il aurait appris des choses, pourtant la même problématique persiste. Il n’apprenait rien de ses échecs avec les contingences de la vie. Son père savait que Wolfgang livré à lui-même courait à la catastrophe.
Peut-être que sa difficulté vient que sa vie se confond totalement avec sa musique. Dans « Lomax », vous faites dire à votre personnage « Je viens vous aider à écrire votre vie. »Ce qui annonce votre Mozart, pour lequel la vraie vie est sa musique, son écriture.
C’est commun à tous les artistes. On a besoin d’avoir quelqu’un qui nous chaperonne pour passer au-dessus des choses parce qu’on peut très bien s’embourber soi-même et ne jamais s’en sortir. A un moment donné, il faut avoir de la chance.
Ce qui est sans doute lié à une curiosité, à une ouverture sur l’extérieur.
Une ouverture pour pouvoir aller plus loin, sinon il est possible de galérer pendant longtemps.
En lisant des livres sur Mozart, bien avant de penser à en faire une bande dessinée, je me suis dit ce n’est pas possible ! D’autant plus que ce que je découvrais va à l’encontre d’ « Amadeus » qui le montre très triomphant même s’il est jalousé. Dans la réalité, on essaye tout le temps de le mettre sous l’éteignoir, sans doute parce qu’il avait plus de talent que les autres ; mais lui-même ne savait pas se vendre et se retrouvait dans des problématiques ridicules.
Un autre parallèle avec « Lomax » où vous écrivez « Nous parlions de l’intérêt de découvrir très jeune ce que l’on veut faire de sa vie. »
C’est une phrase de moi.
Ça se sent. C’est pour cette raison que je l’ai relevée.
C’est ma problématique depuis tout le temps, déjà présente dans « Meteor Slim » et dans d’autres albums. Il ne faut pas se rater. Dans « La main heureuse » l’un des personnages motive l’autre en disant « La vie, c’est pas un brouillon, c’est tout de suite. » On ne se rend pas assez compte que la vie, c’est maintenant. Il ne faut pas attendre la saint glinglin pour faire les choses. Certains, comme Mozart, ont conscience de ça très tôt et ne veulent pas gâcher ce temps précieux parce qu’ils savent qu’après, c’est fini, il n’y a rien d’autre.
Vous représentez parfois les personnages en transparence ou qui explosent.
Quand on le voit jouer ?
Ou même dans d’autres albums, comme « Pierre de cristal. »
C’est une manière de retranscrire les émotions. Il y a ce côté cristallin et cubiste…On ne peut pas vraiment mettre de mots sur certaines émotions, alors l’image est plus explicite.
Le côté cubiste correspond peut-être à cette explosion de la vision du monde qu’apportaient Braque ou Picasso ?
D’autres peuples pratiquaient le cubisme bien avant eux. Moi j’y ai recours pour montrer l’émotion, quelque chose qui nous échappe. Je n’arrive même pas à trouver les mots pour en parler.
Vous passez souvent du personnage à un plan très large sur la ville, comme dans d’autres albums. C’est un passage du monde intérieur à l’extérieur ?
Oui, il y a des ponts…c’est une référence à « Little Nemo ». Le personnage cherche sa voie, son chemin. Dans Paris, on est sans arrêt en train de passer d’un pont à l’autre. Ce sont des correspondances visuelles qui passent dans la lecture et qui font le pont avec le père resté là-bas mais toujours présent.
Et qui font le pont avec une géographie mentale, intérieure ?
C’est une façon de rapprocher Salzbourg et Paris. Visuellement la correspondance est là, même si Mozart préfère faire sans son père.
On retrouve des constantes dans vos albums.
Des constantes qui ne sont même pas voulues.
Ce qui est d’autant plus intéressant.
Je ne m’en serais pas rendu compte si vous ne me l’aviez pas dit. Ce sont des problématiques qui me travaillent et qui reviennent d’elles-mêmes. On dit qu’on fait toujours le même album, ou le même livre. Je ne sais pas.
Le lecteur a l’impression que Mozart, que vous traitez à merveille, est aussi un support pour parler d’autre chose.
Ces problématiques qu’il vivait, je les connais aussi, comme beaucoup de gens qui peuvent s’y reconnaître. Puisque nous sommes là, autant faire des choses qui résonnent en nous.
Vous vous construisez en construisant des albums.
C’est ça. En construisant et en déconstruisant des vies. Tout est affaire de correspondance en fait.
C’est une phrase de moi.
Ça se sent. C’est pour cette raison que je l’ai relevée.
C’est ma problématique depuis tout le temps, déjà présente dans « Meteor Slim » et dans d’autres albums. Il ne faut pas se rater. Dans « La main heureuse » l’un des personnages motive l’autre en disant « La vie, c’est pas un brouillon, c’est tout de suite. » On ne se rend pas assez compte que la vie, c’est maintenant. Il ne faut pas attendre la saint glinglin pour faire les choses. Certains, comme Mozart, ont conscience de ça très tôt et ne veulent pas gâcher ce temps précieux parce qu’ils savent qu’après, c’est fini, il n’y a rien d’autre.
Vous représentez parfois les personnages en transparence ou qui explosent.
Quand on le voit jouer ?
Ou même dans d’autres albums, comme « Pierre de cristal. »
C’est une manière de retranscrire les émotions. Il y a ce côté cristallin et cubiste…On ne peut pas vraiment mettre de mots sur certaines émotions, alors l’image est plus explicite.
Le côté cubiste correspond peut-être à cette explosion de la vision du monde qu’apportaient Braque ou Picasso ?
D’autres peuples pratiquaient le cubisme bien avant eux. Moi j’y ai recours pour montrer l’émotion, quelque chose qui nous échappe. Je n’arrive même pas à trouver les mots pour en parler.
Vous passez souvent du personnage à un plan très large sur la ville, comme dans d’autres albums. C’est un passage du monde intérieur à l’extérieur ?
Oui, il y a des ponts…c’est une référence à « Little Nemo ». Le personnage cherche sa voie, son chemin. Dans Paris, on est sans arrêt en train de passer d’un pont à l’autre. Ce sont des correspondances visuelles qui passent dans la lecture et qui font le pont avec le père resté là-bas mais toujours présent.
Et qui font le pont avec une géographie mentale, intérieure ?
C’est une façon de rapprocher Salzbourg et Paris. Visuellement la correspondance est là, même si Mozart préfère faire sans son père.
On retrouve des constantes dans vos albums.
Des constantes qui ne sont même pas voulues.
Ce qui est d’autant plus intéressant.
Je ne m’en serais pas rendu compte si vous ne me l’aviez pas dit. Ce sont des problématiques qui me travaillent et qui reviennent d’elles-mêmes. On dit qu’on fait toujours le même album, ou le même livre. Je ne sais pas.
Le lecteur a l’impression que Mozart, que vous traitez à merveille, est aussi un support pour parler d’autre chose.
Ces problématiques qu’il vivait, je les connais aussi, comme beaucoup de gens qui peuvent s’y reconnaître. Puisque nous sommes là, autant faire des choses qui résonnent en nous.
Vous vous construisez en construisant des albums.
C’est ça. En construisant et en déconstruisant des vies. Tout est affaire de correspondance en fait.
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