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Move-On Magazine

Pinard et Polar - Interview de René Frégni.


Lire le terroir et boire des livres
les 10 et 11 août 2019 à Sigy-le-Châtel


| Publié le Dimanche 11 Août 2019 |

Interview champêtre
Interview champêtre
Quand la Haute-Savoie d’ »Histoire d’en parler » et le Mâconnais d’Alain Carré se rencontrent, ça donne deux jours entre amis, entre terroir et culture, des conversations entre les livres, les auteurs, le public, des artistes et des artisans parmi lesquels Philippe Borrini, Monique Dégluaire, Duramen. Le travail de la terre, du bois, du métal  rejoint celui des mots et de la vigne.
Des mots, des liquides à déguster pour éveiller les papilles, les neurones, les émotions.
Parmi les auteurs invités, nous avons rencontré René Frégni.
 
René Frégni, on sent que la lecture d’une de vos nouvelles à l’instant par Alain Carré et son épouse vous a beaucoup touché. Vous l’avez écrite il y a presque trente ans pour des enfants ; la bonne littérature se lit à tout âge ou presque ?
On écrit plus simplement pour des enfants, mais sinon la littérature repose sur quelques émotions : on vieillit, on tombe amoureux, on rencontre la passion, des enfants naissent, on est abandonné…on brode sur les passions importantes de nos vies, les souvenirs d’enfance, on brode mille romans sur ces émotions que les enfants partagent avec nous, qu’on ait six ans ou soixante.
   A six ans, j’avais très peur de perdre ma mère, de me retrouver seul et je suis tombé à cet âge-là amoureux de la petite Suzon qui passait dans la rue. Voilà les trois grandes émotions de mon enfance, la beauté de Suzon que je regardais jour et nuit et qui ne m’a jamais regardé, la peur de perdre ma mère, et la peur d’aller à l’école parce qu’on risquait de m’interroger. La découverte de l’amour, violent, à six ans, la peur de perdre une maman que j’adorais et la peur de l’école. Ces trois émotions, je les ai rencontrées toute ma vie, transformées. On brode, on n’invente rien.

Alain Carré et René Frégni
Alain Carré et René Frégni
L’écriture permet de faire vivre des émotions et de ne pas perdre le monde dans lequel on vit.
De ne pas perdre les gens qui sont partis, nos parents, nos amis, ceux qui s’en vont. L’écriture nous permet de les faire revenir, de les revoir, de les entendre. Les lecteurs les voient et les entendent aussi.
L’écriture fait revenir la mémoire, tous les souvenirs d’enfance. L’imagination permet aussi dans des moments difficiles, la prison pour moi, l’hôpital, la solitude pour d’autres…de voyager, de revoir des arbres, des paysages, des mers, de monter sur des bateaux.
Le rôle de la littérature est de rendre les gens heureux même dans les moments difficiles.

Vous évoquez vos problèmes de lunettes, et m’est venue cette formule « L’écriture, ce sont des lunettes sur le monde. »
Des lunettes qui précisent le monde et en même temps, quand j’enlevais mes lunettes, je rêvais, un peu comme dans la nouvelle de Jean Giono « Vie de mademoiselle Amandine » qui a des lunettes très épaisses, comme moi enfant. Avec ses lunettes, elle voit la réalité telle qu’elle est, ce qui n’est pas très intéressant ;
Sans ses lunettes, elle entre dans des mondes très personnels et elle raconte des choses inouïes .
La littérature permet de grossir les choses, de voir ce qu’on ne voit pas normalement. Quand j’ai écrit mes souvenirs d’enfance, j’ai fermé les yeux et j’ai revu ma cuisine que j’avais complètement oubliée. J’ai revu un morceau de marbre dont la fente représentait un Chinois sur son vélo, avec un chapeau. Je l’avais oublié, je l’ai revu. Toute la cuisine s’est reconstituée dans ma mémoire à partir de ce détail : un Chinois qui pédale derrière le robinet, la moindre fente, le placard, la couleur des assiettes, des murs.
 
On plonge dans nos mers profondes et tout remonte à la surface. En parlant je peux revoir certains détails de ma vie mais seule l’écriture peur reconstituer tous les détails. Seule l’écriture, comme chez Proust, permet cette limpidité de mémoire.

C’est la rencontre d’une réalité extérieure, les faits, les lieux et d’une réalité ou d’une vérité intérieure.
Exactement. Une vérité du détail et des émotions. Je n’ai jamais été si violemment amoureux que de la petite Suzon à six ans alors que je ne savais pas ce qu’est l’amour. Je revois encore le visage de Suzon aujourd’hui.
 

Stéphanie Leclef et Alain Carré
Stéphanie Leclef et Alain Carré
C’est peut-être mieux quand on ne sait pas encore ce que c’est.
Le mystère de l’amour est immense, on n’a pas encore été déçu et c’est plus beau que tout.

A vous écouter, il semble évident qu’il ne faut pas établir de classification de genres, roman noir…il y a la force de la littérature.
Les grands romans noirs ont été écrits par Zola, par Victor Hugo, c’est « Voyage au bout de la nuit », « Crime et châtiment ». C’est d’abord une écriture. Sans l’écriture, l’intrigue ne présente aucun intérêt, sans l’écriture pas d’atmosphère et donc pas de littérature. Un écrivain trouve avec les quelques mots qu’il emploie une musique personnelle et originale.
Tu peux prendre le plus grand fait divers, le type qui a égorgé trente femmes…tu vas en faire une nouvelle de trois pages ; si tu as l’écriture, la musique des mots, d’un seul crime tu fais mille pages comme Dostoïevski. Parce que ça résonne en nous.

Vos écrits semblent tous être des lettres d’amour.
J’ai placé l’amour, l’amitié, la tendresse plus haut que tout dans mes livres, même dans ce qu’on appelle mes polars, mes romans noirs. On y rencontre des crimes, des pervers, beaucoup de transgressions et, en même temps, ce sont des gens qui cherchent l’amour.
J’interviens en prison. Tous les voyous que j’ai fait écrire me disent qu’ils pourraient vivre avec un bol de riz, qu’ils n’ont rien à foutre de l’argent, des Rolex, des Ferrari. Ils ont fait des trucs pour éblouir les filles qui ne les regardaient pas.
On agit par amour, pour être reconnu, pour exister.

La romancière anglaise PD James avait un peu la même formule que celle de Jean Giono que vous citez.
Il y a plus de choses à voir dans le talus derrière chez moi que dans le monde, à condition de savoir regarder.
 

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