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Move-On Magazine

Quand Jean-Louis Hourdin évoque Albert Cohen


Quand la simplicité sert l’universel


| Publié le Mercredi 19 Juillet 2017 |

Le 19 septembre 2017, Bonlieu Scène Nationale entame la nouvelle saison avec une création. Dominique Pitoiset , qui nous enchante pour sa 3° saison comme artiste associé, met en scène Le livre de ma mère, d’Albert Cohen…avec Patrick Timsit.
 
Nous avons rencontré Jean-Louis Hourdin, metteur en scène et ami de Dominique Pitoiset,  Jean-Louis Hourdin qui a été le premier à montrer et à faire entendre des textes d’Albert Cohen sur scène.
Il nous parle de son amour du théâtre, d’Albert Cohen et nous raconte avec la même passion simple les grands et les petits aspects de cet art, la force du Verbe et des anecdotes de coulisses.


 

J-Louis Hourdin à la maison (J. Copeau)
J-Louis Hourdin à la maison (J. Copeau)
Jean-Louis Hourdin, vous avez  mis en scène des textes d’Albert Cohen ?
Oui, c’est toute une saga. Jean Jourdheuil et sa femme m’ont lu un jour des pages d’Albert Cohen, que je ne connaissais pas, à la fin des années 70, alors que j’étais allé habiter chez eux. A la fin de la soirée j’étais entre le rire et les larmes comme lorsque se crée avec un auteur une immédiate complicité et qu’on se dit « Ça y est, c’est fait; c’est écrit pour toi. »

Mais au départ ce n’est pas du théâtre ?
Oui, mais sous l’écriture d’Albert Cohen, on sent l’oralité orientale du conteur. Bella Cohen, que nous avons bien connue, racontait qu’elle avait deux boulots, le Bureau International du Travail, à Genève toute la journée et à 18 heures elle reprenait son second métier, elle était la secrétaire d’Albert Cohen qui lui dictait ses textes. C’est là que nous sommes dans l’oralité. Elle était non seulement la première lectrice, mais aussi la première spectatrice du verbe. Si elle riait, si elle pleurait, il en rajoutait, il réinventait sur ce qu’il avait écrit dans la journée. Et moi-même, j’ai pris connaissance de l’œuvre d’Albert Cohen par la voix de mes amis.

Je parlais de saga…Pour obtenir les droits sur l’œuvre d’Albert Cohen, j’ai écrit à Gallimard en donnant mes raisons… faire un spectacle, mon amour de cette écriture. Jacqueline Soufi était alors chargée des droits cinématographiques chez Gallimard. Elle me répond sèchement "Madame Cohen ne veut pas donner les droits sur l’œuvre de son mari » Basta ! Je réécris « Basta, pas de basta, il n’y aucune raison qu’on me prive de cette possibilité. Je ne trahirai pas Albert Cohen… » Et Jacqueline Soufi me répond « Basta, basta, il n’en est pas question. »
   Il se trouve qu’un ami Suisse participait à la répétition d’une pièce à Massilly. Je lui demande s’il ne connaîtrait personne dans l’entourage de Bella Cohen. Le contact s’est fait par l’intermédiaire d’un médecin  commun aux deux familles. Bella Cohen accepte de me voir chez Gallimard, dans le petit bureau de Jacqueline Souchi. Bonjour Monsieur, bonjour Madame et boum, une cassette et je reconnais l’œuvre et je reconnais l’acteur qui dit le texte. Bella Cohen me demande ce que j’en pense et je réponds qu’on peut faire plus sobre parce que l’acteur en faisait des kilos. Elle me répond « Vous pensez comme moi ». Je me dis « Ça y est, j’ai les droits ! ». Boum, une 2° cassette ! Je reconnais l’œuvre mais pas l’acteur, qui était à peu près correct.                                                                                                                     Je dis « C’est mieux.                                                                                                                                                   _  Vous pensez comme moi, vous avez les droits mais…                                                                                      _ Comment ça, mais ?                                                                                                                                               _ Mais je veux voir un filage au milieu des répétitions pour être sûre de vous donner les droits. Je ne veux pas qu’on trahisse l’œuvre de mon mari… »
Nous avions deux mois de répétition. Elle est venue à Massilly à la fin du premier mois, avec Jacqueline Soufi. J’avais recommandé aux acteurs de dire le texte de Cohen sans le jouer. Nous avions six mois de tournée qui nous attendaient, un refus de Bella  aurait été une catastrophe !
Elle a pleuré au milieu du filage, à la fin, elle se penche vers moi et me dit « Albert Cohen aurait aimé ». Nous sommes devenus amis. Nous avons joué le chapitre 35 de Belle du Seigneur, Ô vous, frères humains, Le livre de ma mère

Vous avez ouvert une voie.
Sur toute l’œuvre, oui, à l’exception d’Ezéchiel, sa seule pièce de théâtre, qui avait déjà été mise en scène. Bella nous a imposé le titre de notre première pièce, « Le monde d’Albert Cohen ». Ça faisait un peu prétentieux mais ça nous donnait la possibilité d’aller prendre des textes dans toute l’œuvre. Quand j’ai voulu monter le chapitre 35 de Belle du Seigneur, elle m’a dit « Jean-Louis, je ne crois pas qu’on puisse faire ça au théâtre ». Je me suis dit « Ce n’est pas vrai, ça ne va pas recommencer ! » Elle est venue voir et m’a donné son accord à condition que j’obtienne aussi celui de deux couples d’amis d’Albert Cohen aussi hallucinés que moi puisque nous avions déjà joué plus de quatre cents fois Le monde d’Albert Cohen. Nous avons joué partout nos cinq spectacles finalement.
 

Albert Cohen• Crédits : UNIVERSAL PHOTO - Sipa
Albert Cohen• Crédits : UNIVERSAL PHOTO - Sipa
Dont Le livre de ma mère qui va être monté en septembre à Bonlieu Scène Nationale par Dominique Pitoiset avec Patrick Timsit et à la demande de celui-ci. Vous-même comment l’aviez-vous abordé ?
Musicalement. Avec deux très bons musiciens, des personnages inouïs de Suisse Romande et Gérard Guillaumin, une légende de la décentralisation, du TNP , il a fait des récitals sur les grands auteurs français. Il a vu l’un de mes spectacles et cette rencontre a débouché sur Le livre de ma mère et Ô vous, frères humains. Un beau moment de littérature et de théâtre. Gérard portait l’art de la lecture à un haut niveau du dire. Quand il a réchappé des camps de concentration, à la fin de la guerre, il a avait un peu perdu certaines capacités de la mémoire. Un camarade l’a emmené à un cours de Charles Dullin. Il a voulu passer une audition mais il bafouillait comme un fou et à la fin de cette audition, Dullin lui a dit « D’où viens-tu, mon petit ? » (On a d’ailleurs fait un spectacle par la suite, à partir de cette phrase). Gérard lui a répondu qu’il venait des camps de concentration et, avec l’aide de Dullin, il a réappris à parler grâce aux poètes, avec l’apprentissage de la poésie dramatique.

Le dire parfait ne consiste pas à appuyer. Il faut arriver à être pur, à être dans un jeu du lire et du dire que demandait d’ailleurs Marguerite Duras, sans l’interprétation qui enlève au texte, à la pensée et à la grammaire de la poésie. On a bossé des heures là-dessus !Il ne faut pas se laisser avoir par le lyrisme. Il faut être un transparent du verbe.

Parfois le public a besoin qu’on surjoue, sinon il a l’impression que rien ne se passe.
Les spectateurs ont envie du clown, du grand acteur cabotin mais beaucoup d’acteurs et de metteurs en scène font heureusement ce dont nous parlons ; ce qui est difficile.

Le public semble avoir de plus en plus besoin d’être guidé.
Oui, mais il est passionnant, sur les textes d’Albert Cohen par exemple, d’être exact pour faire naître et paraître ce qu’ils contiennent d’oralité, de beauté. Jouer ça ne sert à rien, c’est du pléonasme intégral. C’est « faire l’acteur ».
 

Parmi les grands moments de votre salle de Massilly, on peut citer la venue de Mitterrand ?
La présence drôlatique de Mitterrand, du Prince venant à la campagne ! Pour Albert Cohen. Je savais que Mitterrand avait œuvré pour qu’Albert Cohen ait le prix Nobel, qu’il adorait l’auteur. Nous nous sommes dit un soir, avec François Chattot, qu’on l’inviterait à Bobigny où on jouait. François envoie une lettre à l’Elysée et moi rue de Bièvre. Pour rire. Et puis la chargée de la culture à l’Elysée nous répond que le Président ne peut pas venir, il rencontrait dans la semaine Clinton et Gorbatchev. Elle vient, elle, et adore le spectacle…et je reçois une lettre manuscrite de Mitterrand qui trouve géniale l’idée de Massilly que j’évoquais dans mon courrier rue de Bièvre. Passer le lundi de Pentecôte de Solutré à Massilly tout proche. Et donc on l’a vu arriver ; il y avait Bella. Mitterrand est resté après la représentation une heure et demie, deux heures à boire des coups avec les gens de Massilly. C’était « un conseiller général », très sympa. Il avait le sens du discours, de l’oralité.
 
    Pour revenir au Livre de ma mère, beaucoup de gens pensent que c’est cucul la praline mais pour moi, c’est magnifique, comme toute l’œuvre de Cohen….
…et Jean-Louis Hourdin d’ouvrir Le livre de ma mère, dans cette brasserie de Cluny, sur fond musical, avec le patron au comptoir et de lire « Elle est venue, elle n’y a rien compris, elle est partie. Après avoir été elle-même irremplaçablement, elle a disparu. Pourquoi ?... »
 
Et la magie du texte fonctionne et vibre dans cette brasserie. Pas besoin de scène. L’art et la poésie sont au centre de la vie, comme nous l’évoquions déjà il y a un an lors d’une précédente discussion où il fut question de situationnisme. De l’art engagé tout bonnement dans la vie.
   J’avais pour la première fois rencontré Jean-Louis Hourdin dans l’unique café de Massilly où il faisait une lecture  du texte de Fellag Comment réussir un bon petit couscous.

Quand le théâtre est un art de vivre et de se nourrir !
 

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