Move-On magazine a profité d’une dédicace ce 23 novembre 2019 chez BD Fugue // Annecy pour une conversation à trois voix, avec Didier et Lyse Tarquin.
D’où vient la forme de Dolores, le vaisseau spatial ? Qu’est-ce qu’elle traduit ?
Je voulais quelque chose de simple, que je puisse reproduire sous toutes sortes d’angles. Je suis parti de la forme d’un gros livre qui laisse place à l’imagination des lecteurs pour deviner ce qu’il renferme. Je voulais une boîte simple, nue, qui donne envie de l’ouvrir.
On retrouve avec cette idée de boîte le moment où l’héroïne, à sa majorité, quitte le couvent. C’est ce qui permet aussi d’interpréter toute l’histoire comme une recherche d’identité à travers un héritage. Le vaisseau spatial est une métaphore de l’héritage.
C’est exactement ça. Je voulais un personnage qui ne soit rien. La pauvre Mony n’est rien, elle n’a aucune racine, sa vision du monde est dogmatique et lui a été donnée par l’orphelinat et par l’Eglise, même son physique n’est rien puisque, dès ses premiers pas dans le monde extérieur, elle fait penser à quelqu’un d’autre. Il ne lui reste rien de personnel à part ce nom qui était inscrit sur son front quand on la découverte abandonnée. Rien !
L’enjeu consiste à savoir si elle va devenir elle-même, si elle en est capable. Il s’agit d’une quête sur l’identité, sur ce qu’on nous transmet et ce qu’on en fait.
D’où vient la forme de Dolores, le vaisseau spatial ? Qu’est-ce qu’elle traduit ?
Je voulais quelque chose de simple, que je puisse reproduire sous toutes sortes d’angles. Je suis parti de la forme d’un gros livre qui laisse place à l’imagination des lecteurs pour deviner ce qu’il renferme. Je voulais une boîte simple, nue, qui donne envie de l’ouvrir.
On retrouve avec cette idée de boîte le moment où l’héroïne, à sa majorité, quitte le couvent. C’est ce qui permet aussi d’interpréter toute l’histoire comme une recherche d’identité à travers un héritage. Le vaisseau spatial est une métaphore de l’héritage.
C’est exactement ça. Je voulais un personnage qui ne soit rien. La pauvre Mony n’est rien, elle n’a aucune racine, sa vision du monde est dogmatique et lui a été donnée par l’orphelinat et par l’Eglise, même son physique n’est rien puisque, dès ses premiers pas dans le monde extérieur, elle fait penser à quelqu’un d’autre. Il ne lui reste rien de personnel à part ce nom qui était inscrit sur son front quand on la découverte abandonnée. Rien !
L’enjeu consiste à savoir si elle va devenir elle-même, si elle en est capable. Il s’agit d’une quête sur l’identité, sur ce qu’on nous transmet et ce qu’on en fait.
On retrouve cette quête d’identité dans la mythologie, dans les légendes, dans les contes pour enfants.
Mony hérite aussi d’une histoire qui n’est pas la sienne.
Ce qui est un peu le cas de tout le monde.
Oui, on hérite de l’histoire de nos parents, de nos grands parents. Même si je n’ai pas connu la guerre de 39/45, je suis persuadé qu’elle m’a été transmise d’une certaine façon, d’une manière ou d’une autre. Par ce biais on glisse vers un type d’histoire qui est proche du conte pour enfants. U.C.C Dolores est monté comme un conte pour enfants dans sa structure scénaristique. C’est une quête initiatique : on sort de la maison, au bout du sentier il y a la maison de Mère Grand mais il faut faire attention au Grand Méchant Loup. Dans le tome 1, Mony se retrouve dans les bas fonds et c’est un homme loup qui vient la chercher alors qu’elle se cache sous sa capuche. C’est le Petit chaperon rouge que j’ai placé là volontairement.
Conte, récit initiatique et hybridation permanente : hommes, robots, monstres, passé, avenir… au point que par moments on ne sait plus très bien où on en est. Le mouvement est permanent.
C’est open bar. On retrouve cette ouverture dans le dessin et dans la couleur. Mony doit découvrir qui elle est, et elle est faite de plein de choses ! Nous aussi, auteurs, on est faits de plein de choses, de références à la pop culture qu’on retrouve dans le récit.
Le tome 1 installe les personnages, le tome 2 détruit tout et le tome 3 est la réponse à « Qu’est-ce qu’elle va faire de tout ça ? »
Au départ, pour installer l’histoire, il faut que le lecteur puisse éprouver de l’empathie pour le personnage. Je suis parti du postulat qu’on découvre tout en même temps qu’elle, elle est vierge de tout. Le lecteur est aussi paumé que Mony. Il a les mêmes cartes en main qu’elle lorsqu’elle est prise dans un bain de violence.
Mony hérite aussi d’une histoire qui n’est pas la sienne.
Ce qui est un peu le cas de tout le monde.
Oui, on hérite de l’histoire de nos parents, de nos grands parents. Même si je n’ai pas connu la guerre de 39/45, je suis persuadé qu’elle m’a été transmise d’une certaine façon, d’une manière ou d’une autre. Par ce biais on glisse vers un type d’histoire qui est proche du conte pour enfants. U.C.C Dolores est monté comme un conte pour enfants dans sa structure scénaristique. C’est une quête initiatique : on sort de la maison, au bout du sentier il y a la maison de Mère Grand mais il faut faire attention au Grand Méchant Loup. Dans le tome 1, Mony se retrouve dans les bas fonds et c’est un homme loup qui vient la chercher alors qu’elle se cache sous sa capuche. C’est le Petit chaperon rouge que j’ai placé là volontairement.
Conte, récit initiatique et hybridation permanente : hommes, robots, monstres, passé, avenir… au point que par moments on ne sait plus très bien où on en est. Le mouvement est permanent.
C’est open bar. On retrouve cette ouverture dans le dessin et dans la couleur. Mony doit découvrir qui elle est, et elle est faite de plein de choses ! Nous aussi, auteurs, on est faits de plein de choses, de références à la pop culture qu’on retrouve dans le récit.
Le tome 1 installe les personnages, le tome 2 détruit tout et le tome 3 est la réponse à « Qu’est-ce qu’elle va faire de tout ça ? »
Au départ, pour installer l’histoire, il faut que le lecteur puisse éprouver de l’empathie pour le personnage. Je suis parti du postulat qu’on découvre tout en même temps qu’elle, elle est vierge de tout. Le lecteur est aussi paumé que Mony. Il a les mêmes cartes en main qu’elle lorsqu’elle est prise dans un bain de violence.
C’est ce qui permet de vivre l’histoire sans distanciation et on a vraiment envie de découvrir la suite quand on arrive à la fin du premier tome, parce que le scénario semble s’inventer au fur et à mesure. Les images et les couleurs participent à cette impression parce qu’il y a toujours une forme de déséquilibre qui fait avancer, presque jamais d’image posée.
La première image du tome 2 est calme. La mer est un miroir sans une seule vaguelette, sans le moindre brin de vent.
Le calme avant la tempête.
Il faut que ce soit une succession de chocs. Avec le couvent, on est dans de vieilles pierres, une ambiance verte .La porte à peine passée, on se retrouve dans de la haute technologie, elle arrive ensuite aux fins fonds d’une fosse qui abrite des combats entre un homme et un robot, c’est l’enfer.
Les couleurs traduisent aussi ces chocs.
Et soutiennent le rythme.
Nous avons fait le choix de couleurs narratives qui collent complètement à l’histoire, qui en marquent l’évolution et les temps forts. Nous utilisons les codes couleurs que tout le monde connaît.
Les gens comprennent intuitivement les couleurs. Si on dit « mariage », « deuil », « interdiction »…aussitôt une couleur s’impose. L’émotion peut être amenée par la couleur.
Ce que j’ai appelé déséquilibre est en réalité un mouvement permanent, une fluidité.
La fluidité dans la lecture est importante. Le confort de la lecture ne doit pas masquer l’inconfort dans lequel se trouve Mony. Les seuls moments calmes sont ceux où elle écrit dans son journal intime.
Une sorte d’introspection.
Elle fait le bilan de ce qu’elle ressent , de ce qu’elle vit et en fait part au lecteur.
Pour foncer dans des dimensions mythologiques, épiques à ce point là, c’est que vous avez tous les deux peur de vous ennuyer dans la vie quotidienne ?
Non, au contraire, le quotidien va trop vite ! La plus grande aventure que puisse vivre un être humain est d’avoir des enfants ! Et de la mêler à sa passion, ça c’est le quotidien !
Nous sommes un couple quand nous faisons de la bande dessinée mais aussi en dehors de cette activité, et c’est merveilleux.
On ne s’ennuie pas et on a la chance de pouvoir rêver alors que notre société a tendance à considérer ça comme un défaut.
La première image du tome 2 est calme. La mer est un miroir sans une seule vaguelette, sans le moindre brin de vent.
Le calme avant la tempête.
Il faut que ce soit une succession de chocs. Avec le couvent, on est dans de vieilles pierres, une ambiance verte .La porte à peine passée, on se retrouve dans de la haute technologie, elle arrive ensuite aux fins fonds d’une fosse qui abrite des combats entre un homme et un robot, c’est l’enfer.
Les couleurs traduisent aussi ces chocs.
Et soutiennent le rythme.
Nous avons fait le choix de couleurs narratives qui collent complètement à l’histoire, qui en marquent l’évolution et les temps forts. Nous utilisons les codes couleurs que tout le monde connaît.
Les gens comprennent intuitivement les couleurs. Si on dit « mariage », « deuil », « interdiction »…aussitôt une couleur s’impose. L’émotion peut être amenée par la couleur.
Ce que j’ai appelé déséquilibre est en réalité un mouvement permanent, une fluidité.
La fluidité dans la lecture est importante. Le confort de la lecture ne doit pas masquer l’inconfort dans lequel se trouve Mony. Les seuls moments calmes sont ceux où elle écrit dans son journal intime.
Une sorte d’introspection.
Elle fait le bilan de ce qu’elle ressent , de ce qu’elle vit et en fait part au lecteur.
Pour foncer dans des dimensions mythologiques, épiques à ce point là, c’est que vous avez tous les deux peur de vous ennuyer dans la vie quotidienne ?
Non, au contraire, le quotidien va trop vite ! La plus grande aventure que puisse vivre un être humain est d’avoir des enfants ! Et de la mêler à sa passion, ça c’est le quotidien !
Nous sommes un couple quand nous faisons de la bande dessinée mais aussi en dehors de cette activité, et c’est merveilleux.
On ne s’ennuie pas et on a la chance de pouvoir rêver alors que notre société a tendance à considérer ça comme un défaut.
Il faut faire face à la réalité ! C’est ce qu’on entend de plus en plus.
Rêver est notre métier et ça ne s’arrête jamais, même pendant que je te parle.
On parle là d’intelligence en arborescence.
_ Qui fonctionne dès l’enfance.
_ Didier est un créateur d’univers, il a un univers en lui, des mondes, des histoires. Avec Dolores, il fait ce qu’il aime, il est vraiment chez lui. Il joue, il aime jouer.
_ C’est ce que voient bien les lecteurs de Dolores. Dans le tome 2 beaucoup de choses sont référencées, renvoient à ce qu’on peut voir dans des films. Je fais mon marché parmi les choses que j’aime, je les utilise et tant mieux si on les reconnaît.
Parce que c’est digéré.
Je récupère ces choses qui m’aident à « borner » le visuel de mon univers et qui constituent un clin d’œil aux lecteurs « Vous aussi, vous avez aimé ça ? , alors on est pareils. » Et puis c’est une déclaration d’amour à toute cette pop culture qui coule dans mes veines.
Nous avons construit un immense coffre à jouer/jouets et au fil des histoires que nous écrivons, nous jouons avec.
Comme vous jouez avec les mots, et le titre. Pourquoi Dolores ?
Pour le côté très western, latino-mexicain…la douleur, la consonance à la fois féminine sur quelque chose de très masculin. Et puis ça claque ! C’est « Le Dolores », un personnage à part entière. Au cinéma, dans la science fiction, certains vaisseaux mythiques ont un nom qui s’impose à tous. Nostromo est le vaisseau d’Alien, le Falcon Millennium, c’est Star Wars, Nebuchadnezzar c’est Matrix…
Je ne voulais pas que la série s’appelle Mony parce que c’est le voyage qui prime, le véhicule.
Puisqu’on parle de voyage, les mots y invitent, « Tassili, Messaoud… »
C’est mon enfance. J’ai vécu mes six premières années dans le Sahara, puis quatre ans à Oran. Je porte ça en moi. Quand j’étais gamin, qu’on prenait la piste pour aller à Tamanrasset, c’était une autre planète !
Une autre planète, un métier qui repose sur le rêve, la notion de jeu… dans l’un de ses derniers articles Move-On Magazine cite Alain Caillé qui évoque le fait de s’adonner, de se donner entièrement à… dans le sport, dans l’art pour être pleinement soi, pleinement humain.
Vive le jeu !
Rêver est notre métier et ça ne s’arrête jamais, même pendant que je te parle.
On parle là d’intelligence en arborescence.
_ Qui fonctionne dès l’enfance.
_ Didier est un créateur d’univers, il a un univers en lui, des mondes, des histoires. Avec Dolores, il fait ce qu’il aime, il est vraiment chez lui. Il joue, il aime jouer.
_ C’est ce que voient bien les lecteurs de Dolores. Dans le tome 2 beaucoup de choses sont référencées, renvoient à ce qu’on peut voir dans des films. Je fais mon marché parmi les choses que j’aime, je les utilise et tant mieux si on les reconnaît.
Parce que c’est digéré.
Je récupère ces choses qui m’aident à « borner » le visuel de mon univers et qui constituent un clin d’œil aux lecteurs « Vous aussi, vous avez aimé ça ? , alors on est pareils. » Et puis c’est une déclaration d’amour à toute cette pop culture qui coule dans mes veines.
Nous avons construit un immense coffre à jouer/jouets et au fil des histoires que nous écrivons, nous jouons avec.
Comme vous jouez avec les mots, et le titre. Pourquoi Dolores ?
Pour le côté très western, latino-mexicain…la douleur, la consonance à la fois féminine sur quelque chose de très masculin. Et puis ça claque ! C’est « Le Dolores », un personnage à part entière. Au cinéma, dans la science fiction, certains vaisseaux mythiques ont un nom qui s’impose à tous. Nostromo est le vaisseau d’Alien, le Falcon Millennium, c’est Star Wars, Nebuchadnezzar c’est Matrix…
Je ne voulais pas que la série s’appelle Mony parce que c’est le voyage qui prime, le véhicule.
Puisqu’on parle de voyage, les mots y invitent, « Tassili, Messaoud… »
C’est mon enfance. J’ai vécu mes six premières années dans le Sahara, puis quatre ans à Oran. Je porte ça en moi. Quand j’étais gamin, qu’on prenait la piste pour aller à Tamanrasset, c’était une autre planète !
Une autre planète, un métier qui repose sur le rêve, la notion de jeu… dans l’un de ses derniers articles Move-On Magazine cite Alain Caillé qui évoque le fait de s’adonner, de se donner entièrement à… dans le sport, dans l’art pour être pleinement soi, pleinement humain.
Vive le jeu !
Articles similaires...
-
Le Monde de Gigi de William Maurer : un conte moderne plein de magie
-
Marguerite Laleyé sonde les méandres de « L’Autre Terre »
-
L'Instinct du Sens : Une Exploration de la Préhistoire de la Parole par Philippe Barbaud
-
Kalilou Diakité présente un essai sur la condition des femmes
-
Tous 2 de Julien Testu, un ouvrage qui expose toutes les pensées de son auteur
Retrouvez ces bandes dessinées chez notre partenaire BD Fugue :