Le TLF, dictionnaire en ligne (Trésor de la langue française) nous apprend que la mayonnaise est une « Sauce froide, semi-solide, obtenue en émulsionnant de l'huile avec un ou plusieurs jaunes d'oeuf et de la moutarde, et en relevant le tout d'un filet de vinaigre ou de citron », que la phénoménologie est l’ « Observation et description des phénomènes et de leurs modes d'apparition, considéré indépendamment de tout jugement de valeur. »
Luka Novak est un auteur et éditeur slovène qui se et nous demande si l’évolution de la cuisine ne nous conduirait pas à « un degré zéro de l’âge gastronomique. »
N’oublions pas que la sauce est l’âme de la cuisine puisque le mot sauce vient étymologiquement de sel ..
Envoyer la sauce, remettre le couvert… établissent un lien étroit entre sexualité et gastronomie.
“Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es…”
Luka Novak est un auteur et éditeur slovène qui se et nous demande si l’évolution de la cuisine ne nous conduirait pas à « un degré zéro de l’âge gastronomique. »
N’oublions pas que la sauce est l’âme de la cuisine puisque le mot sauce vient étymologiquement de sel ..
Envoyer la sauce, remettre le couvert… établissent un lien étroit entre sexualité et gastronomie.
“Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es…”
Luka Novak a bien voulu répondre à quelques questions de Move-On Magazine.
Avec ce titre, « Phénoménologie de la mayonnaise », vous saviez que vous vous priviez d’un grand nombre de lecteurs. Que signifie-t-il ?
Priver à cause de "Phénoménologie" ou bien de "Mayonnaise" ? Trop philosophique ou trop populaire ? Je n'y ai pas pensé, non, le titre me sembla dès le début définir un concept précis - et bien entendu ironique - d'une "philosophie" de la gastronomie. L'éditeur l'a apprécié aussi. Il s'agissait de faire dialoguer le haut et le bas, le sublime et le banal, activité qui me fascine à travers tous mes livres et qui transperce aussi mon essai sur Le Métro en tant qu'inconscient urbain, et de confronter avec cela une discipline éminemment académique, qu'est la phénoménologie, et un fait quotidien, la mayonnaise, symbolisant la consommation moderne. Mais il est aussi vrai que pour la version slovène du livre (parue, augmentée et pourvue de matériel photo, après l'original français en 2019) j'ai utilisé le titre Le champ gastronomique: Du rationalisme par l'absolutisme aux réseaux sociaux, pour enfoncer le clou académique.
On dit que la mayonnaise prend quand se produit un phénomène qui fusionne les éléments.
En effet, la sauce prend quand elle monte en volume et gagne en densité. La mayonnaise est une variante de la hollandaise où le beurre se substitue à l'huile et en tant que telle une des quatre sauce-mères selon Carême. J'ai expérimenté à plusieurs reprises avec cette sauce dans mes émissions gastronomiques, et il y a quelques règles à observer (jaune d'oeuf à température ambiante, mélange d'huiles...), mais en tant que telle on peut considérer une mayonnaise bien fouettée et épicée comme un vrai délice. Ou comme le condiment d'un hamburger vite fait. Outre la mayonnaise comme quintessence et symbole de l'évolution d'une cuisine rationaliste devenue consommatrice, elle représente dans mon livre, comme vous le constatez, une fusion entre littérature, sociologie, philosophie, marketing, linguistique, théorie du droit d'auteur, anthropologie, histoire et gastronomie ; et ce n'est en effet que quand tous ces ingrédients fusionnent que la narration prend.
C’est ce que produit la cuisine ? Elle est une mayonnaise qui traduit l’évolution de nos sociétés ? La façon dont nous pensons et dont nous vivons ?
C'est en effet un excellent véhicule pour refléter nos sociétés, et non seulement au niveau des moeurs, comme voudraient nous le faire croire les anthropologues et les adeptes des "food studies", mais aussi et surtout au niveau des courants mondiaux, des changements historiques comme la Révolution française, la chute du Mur de Berlin, les attaques du Onze Septembre. Il est révélateur que les cuisines, distinctes au vingtième siècle, cartésienne, ethnique et populaire, commencent à dialoguer après la chute des idéologies en 1989, engendrant une cuisine "fusion" qui domine à présent toute la société avec ses brassages des cultures et traditions culinaires. Nous vivons aujourd'hui une époque qui s'ensuit aussi bien du dialogue entre l'Occident et l'Orient, le Nord et le Sud au niveau politique, que d'une conversation, une "mayonnaise", au niveau gastronomique, qui n'est d'ailleurs autre que culturel.
Avec ce titre, « Phénoménologie de la mayonnaise », vous saviez que vous vous priviez d’un grand nombre de lecteurs. Que signifie-t-il ?
Priver à cause de "Phénoménologie" ou bien de "Mayonnaise" ? Trop philosophique ou trop populaire ? Je n'y ai pas pensé, non, le titre me sembla dès le début définir un concept précis - et bien entendu ironique - d'une "philosophie" de la gastronomie. L'éditeur l'a apprécié aussi. Il s'agissait de faire dialoguer le haut et le bas, le sublime et le banal, activité qui me fascine à travers tous mes livres et qui transperce aussi mon essai sur Le Métro en tant qu'inconscient urbain, et de confronter avec cela une discipline éminemment académique, qu'est la phénoménologie, et un fait quotidien, la mayonnaise, symbolisant la consommation moderne. Mais il est aussi vrai que pour la version slovène du livre (parue, augmentée et pourvue de matériel photo, après l'original français en 2019) j'ai utilisé le titre Le champ gastronomique: Du rationalisme par l'absolutisme aux réseaux sociaux, pour enfoncer le clou académique.
On dit que la mayonnaise prend quand se produit un phénomène qui fusionne les éléments.
En effet, la sauce prend quand elle monte en volume et gagne en densité. La mayonnaise est une variante de la hollandaise où le beurre se substitue à l'huile et en tant que telle une des quatre sauce-mères selon Carême. J'ai expérimenté à plusieurs reprises avec cette sauce dans mes émissions gastronomiques, et il y a quelques règles à observer (jaune d'oeuf à température ambiante, mélange d'huiles...), mais en tant que telle on peut considérer une mayonnaise bien fouettée et épicée comme un vrai délice. Ou comme le condiment d'un hamburger vite fait. Outre la mayonnaise comme quintessence et symbole de l'évolution d'une cuisine rationaliste devenue consommatrice, elle représente dans mon livre, comme vous le constatez, une fusion entre littérature, sociologie, philosophie, marketing, linguistique, théorie du droit d'auteur, anthropologie, histoire et gastronomie ; et ce n'est en effet que quand tous ces ingrédients fusionnent que la narration prend.
C’est ce que produit la cuisine ? Elle est une mayonnaise qui traduit l’évolution de nos sociétés ? La façon dont nous pensons et dont nous vivons ?
C'est en effet un excellent véhicule pour refléter nos sociétés, et non seulement au niveau des moeurs, comme voudraient nous le faire croire les anthropologues et les adeptes des "food studies", mais aussi et surtout au niveau des courants mondiaux, des changements historiques comme la Révolution française, la chute du Mur de Berlin, les attaques du Onze Septembre. Il est révélateur que les cuisines, distinctes au vingtième siècle, cartésienne, ethnique et populaire, commencent à dialoguer après la chute des idéologies en 1989, engendrant une cuisine "fusion" qui domine à présent toute la société avec ses brassages des cultures et traditions culinaires. Nous vivons aujourd'hui une époque qui s'ensuit aussi bien du dialogue entre l'Occident et l'Orient, le Nord et le Sud au niveau politique, que d'une conversation, une "mayonnaise", au niveau gastronomique, qui n'est d'ailleurs autre que culturel.
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Les titres des huit chapitres constituent à eux seuls une lecture qui repose sur un jeu, une association de métaphores et d’oxymores, de quotidien et de concepts. La pensée est-elle un jeu ? Comme la cuisine ? Quel en est le but ?
De "On ne discute pas la sensibilité d'un homard", qui raconte l'histoire de la cuisine française des Trente Glorieuses, aux Moules, sinon rien, qui démontrent l'absolutisme gastronomique de l'ère que nous avons commencé à vivre au début de notre siècle, ces titres sont des métaphores qui surgissent en tant que fragments d'une réalité vécue qu'elles reflètent en version condensée. J'aime surtout l'idée de La sprezzatura de banlieue et du signifiant comestible, qui fait vraiment vibrer la liaison de la linguistique et de la gastronomie, introduisant la notion du langage gastronomique comme diktat de la communication des réseaux sociaux, où se consomme le signifiant avant que le proprement signifié ne soit réellement mangé.
Certains considèrent le bœuf à la gelée de Proust, réalisé par Françoise, comme l’image de l’œuvre d’art idéale. Ne peut-on parler de la « réalité » que par le biais d’associations de mots, de pensées ?
Ce boeuf est la définition même de la cuisine que je nomme cartésienne, si bien ancrée dans la tradition française, et couronnée ainsi par la prose de Proust, qu'elle en représente un art en soi, voire une vraie science, avec ses codes et théorèmes, et qui se voit aujourd'hui si radicalement extirpée de sa tradition par le langage des partages sur les réseaux sociaux qui en reproduisent l'image en la réduisant à une simple reproduction numérique. Cette reproduction est exempte de tout contenu historique ou symbolique, faisant écho à la disparition de l'aura d'authenticité d'une oeuvre d'art opérée par l'avènement de la reproduction technique, professée par le philosophe allemand Walter Benjamin au début du siècle précédent.
En conclusion d’un entretien, une spécialiste de l’art contemporain établissait un lien entre artiste et cuisinier. Un « bon penseur » est-il un bon cuisinier ?
Dans le sens Proustien, donc hautement cartésien, la cuisine est en effet un art, des plus sublimes même, puisqu'elle professe la tradition, la pure authenticité, l'absolue non-répétitivité de ses produits, de vrais ready-made cartésiens, qui témoignent de toute une histoire, de toute une tradition soit d'un pays, soit d'une civilisation. Il est impossible de répliquer un plat, chaque assiette témoigne de la singularité d'un mets, elle est pour autant dire unique, soit un art. Peut-on en dire autant d'une image d'un toast à l'avocat fournie par milliers à des milliards d'utilisateurs ? Nous voyons notre totalité réduite à un simple fruit, censé communiquer nos émotions, nos pensées. Au lieu d'une réflexion complexe, nous avons affaire à une simplification à l'infini.
Quel type de cuisine appréciez-vous le plus ?
En tant qu'auteur de maints livres gastronomiques, j'ai pratiqué toutes sortes de cuisines: des saucisses au curry berlinoises en passant par les žlikrofi, raviolis slovènes, aux beignets chinois. Mais je ne me lasse jamais de la cuisine des bistrots. Je les aime tradition, avec un bifteck-frites sur un zinc parisien, ou bien bistronomiques, avec une joue de boeuf à la sauce vierge dégustée sur un banc bobo dans le Luberon. Les deux me transportent dans deux discours différents, mais tous deux authentiques.
De "On ne discute pas la sensibilité d'un homard", qui raconte l'histoire de la cuisine française des Trente Glorieuses, aux Moules, sinon rien, qui démontrent l'absolutisme gastronomique de l'ère que nous avons commencé à vivre au début de notre siècle, ces titres sont des métaphores qui surgissent en tant que fragments d'une réalité vécue qu'elles reflètent en version condensée. J'aime surtout l'idée de La sprezzatura de banlieue et du signifiant comestible, qui fait vraiment vibrer la liaison de la linguistique et de la gastronomie, introduisant la notion du langage gastronomique comme diktat de la communication des réseaux sociaux, où se consomme le signifiant avant que le proprement signifié ne soit réellement mangé.
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Ce boeuf est la définition même de la cuisine que je nomme cartésienne, si bien ancrée dans la tradition française, et couronnée ainsi par la prose de Proust, qu'elle en représente un art en soi, voire une vraie science, avec ses codes et théorèmes, et qui se voit aujourd'hui si radicalement extirpée de sa tradition par le langage des partages sur les réseaux sociaux qui en reproduisent l'image en la réduisant à une simple reproduction numérique. Cette reproduction est exempte de tout contenu historique ou symbolique, faisant écho à la disparition de l'aura d'authenticité d'une oeuvre d'art opérée par l'avènement de la reproduction technique, professée par le philosophe allemand Walter Benjamin au début du siècle précédent.
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