Patrick Avrane, qu’inspire la situation actuelle à un psychanalyste ?
Elle ne peut pas inspirer grand-chose, il la subit comme tout le monde. Il y a quelque chose de l’ordre « Comment faire avec ? » davantage que quelque chose à voir.
On n’a pas de leçon à en tirer même si certains commentaires ne doivent pas faire oublier que de grandes épidémies ont été dramatiques et que l’humanité en a connu tout au long de son existence. On oublie les grandes pestes du Moyen Age qui ont décimé la moitié de la population, voire la totalité dans des provinces entières. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil sinon la façon dont on peut s’en défendre, pourrait-on dire.
Ainsi que la façon dont la réactivité des réseaux sociaux peut amplifier l’angoisse ?
Je pense que l’angoisse et la réactivité ne sont pas véritablement amplifiées mais plus largement répandues. A voir certains tableaux du Moyen Age on constate qu’il y avait la même angoisse, la fameuse peur de l’An Mille, par exemple.
Il y a une réalité qui provoque nécessairement de l’inquiétude et qui est peut-être plus largement diffusée mais dont sait mieux se protéger si l’on en prend conscience.
N’y aurait-il pas aussi un éloignement d’une sorte de réalité ? On entend parfois les gens s’étonner qu’il y ait un séisme, un tsunami, des inondations au 21° siècle ! Comme si c’était désormais incongru, comme si l’on n’était plus préparé à ces réalités-là.
Je pense qu’on n’y est jamais préparé et qu’on l’est toujours. L’explosion du Krakatoa , en 1883, a provoqué un tsunami dont on a su en Europe plusieurs mois après qu’il avait eu lieu.
On est confronté à cette réalité dans la mesure où le propre du petit homme, quand il naît, est d’être dans une impuissance radicale. A sa naissance, un enfant a besoin de personnes pour le soigner, pour l’entourer,il est dans l’incapacité de survivre seul. Toutes les catastrophes de l’ordre de celle que nous vivons en ce moment remettent à l’ordre du jour ce qu’on a vécu enfant et bien évidemment oublié, même si un neurologue pourrait dire que ceci est inscrit dans un système profond du cerveau, et au plus profond de l’inconscient du point de vue d’un psychanalyste.
Elle ne peut pas inspirer grand-chose, il la subit comme tout le monde. Il y a quelque chose de l’ordre « Comment faire avec ? » davantage que quelque chose à voir.
On n’a pas de leçon à en tirer même si certains commentaires ne doivent pas faire oublier que de grandes épidémies ont été dramatiques et que l’humanité en a connu tout au long de son existence. On oublie les grandes pestes du Moyen Age qui ont décimé la moitié de la population, voire la totalité dans des provinces entières. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil sinon la façon dont on peut s’en défendre, pourrait-on dire.
Ainsi que la façon dont la réactivité des réseaux sociaux peut amplifier l’angoisse ?
Je pense que l’angoisse et la réactivité ne sont pas véritablement amplifiées mais plus largement répandues. A voir certains tableaux du Moyen Age on constate qu’il y avait la même angoisse, la fameuse peur de l’An Mille, par exemple.
Il y a une réalité qui provoque nécessairement de l’inquiétude et qui est peut-être plus largement diffusée mais dont sait mieux se protéger si l’on en prend conscience.
N’y aurait-il pas aussi un éloignement d’une sorte de réalité ? On entend parfois les gens s’étonner qu’il y ait un séisme, un tsunami, des inondations au 21° siècle ! Comme si c’était désormais incongru, comme si l’on n’était plus préparé à ces réalités-là.
Je pense qu’on n’y est jamais préparé et qu’on l’est toujours. L’explosion du Krakatoa , en 1883, a provoqué un tsunami dont on a su en Europe plusieurs mois après qu’il avait eu lieu.
On est confronté à cette réalité dans la mesure où le propre du petit homme, quand il naît, est d’être dans une impuissance radicale. A sa naissance, un enfant a besoin de personnes pour le soigner, pour l’entourer,il est dans l’incapacité de survivre seul. Toutes les catastrophes de l’ordre de celle que nous vivons en ce moment remettent à l’ordre du jour ce qu’on a vécu enfant et bien évidemment oublié, même si un neurologue pourrait dire que ceci est inscrit dans un système profond du cerveau, et au plus profond de l’inconscient du point de vue d’un psychanalyste.
Le nourrisson doit sa survie aux autres. La situation actuelle peut paraître paradoxale dans la mesure où on nous demande de penser à nous-mêmes pour penser aux autres. Ce n’est pas habituel.
Pas habituel consciemment ; mais un nourrisson, dans un premier temps, ne différencie pas les autres de lui-même. Quand il tête le sein ou le biberon, un nourrisson ne sait pas que c’est extérieur à lui-même. Il va concevoir petit à petit cette différenciation entre lui et le monde extérieur, l’existence des autres. Cette situation où prendre soin de soi et, en même temps, en relation à l’autre est tout à fait originelle, mais simplement prendre soin de soi passe dans un 2° temps par s’éloigner de l’autre ; c’est là que se situe quelque chose de paradoxal.
Ce qui voudrait dire qu’il faut être à la fois adulte, enfant et nourrisson.
On l’est toujours d’une certaine manière. C’est plus ou moins évident à certains moments. Ça l’est aujourd’hui du fait même que l’on reste dans sa maison. Je travaille d’ailleurs à la relecture d’un livre qui devait sortir en mai et qui s’appelle Maison, quand l’inconscient habite les lieux. Je vais lui ajouter un chapitre.
La maison, ce sont d’abord les bras qui vous portent, puis le berceau, la chambre…Aujourd’hui rester à la maison fait ressortir ce côté petit enfant porté par les bras de ses parents. On reste dans un espace protecteur, dont on nous dit qu’il est protecteur.
Ceci permet de renouer certains liens, certains fils.
Renouer certains liens, certains fils avec sa propre histoire. Toute la difficulté est qu’on est en général plusieurs dans une maison, qu’on n’a pas tous la même histoire, ce qui risque de faire surgir des conflits entre les personnes.
...Un peu comme les fêtes de fin d’année, les rassemblements familiaux. Ce qui nous amène à la nourriture. Vous avez écrit un livre sur la gourmandise.
Ainsi qu’un livre de recettes proposées par des psychanalystes, dont l’intérêt est constitué par les trois ou quatre pages qui accompagnent chaque recette. C’est presque chaque fois une histoire très personnelle.
Pas habituel consciemment ; mais un nourrisson, dans un premier temps, ne différencie pas les autres de lui-même. Quand il tête le sein ou le biberon, un nourrisson ne sait pas que c’est extérieur à lui-même. Il va concevoir petit à petit cette différenciation entre lui et le monde extérieur, l’existence des autres. Cette situation où prendre soin de soi et, en même temps, en relation à l’autre est tout à fait originelle, mais simplement prendre soin de soi passe dans un 2° temps par s’éloigner de l’autre ; c’est là que se situe quelque chose de paradoxal.
Ce qui voudrait dire qu’il faut être à la fois adulte, enfant et nourrisson.
On l’est toujours d’une certaine manière. C’est plus ou moins évident à certains moments. Ça l’est aujourd’hui du fait même que l’on reste dans sa maison. Je travaille d’ailleurs à la relecture d’un livre qui devait sortir en mai et qui s’appelle Maison, quand l’inconscient habite les lieux. Je vais lui ajouter un chapitre.
La maison, ce sont d’abord les bras qui vous portent, puis le berceau, la chambre…Aujourd’hui rester à la maison fait ressortir ce côté petit enfant porté par les bras de ses parents. On reste dans un espace protecteur, dont on nous dit qu’il est protecteur.
Ceci permet de renouer certains liens, certains fils.
Renouer certains liens, certains fils avec sa propre histoire. Toute la difficulté est qu’on est en général plusieurs dans une maison, qu’on n’a pas tous la même histoire, ce qui risque de faire surgir des conflits entre les personnes.
...Un peu comme les fêtes de fin d’année, les rassemblements familiaux. Ce qui nous amène à la nourriture. Vous avez écrit un livre sur la gourmandise.
Ainsi qu’un livre de recettes proposées par des psychanalystes, dont l’intérêt est constitué par les trois ou quatre pages qui accompagnent chaque recette. C’est presque chaque fois une histoire très personnelle.
Je suis moins intéressé par la gourmandise que par ce à quoi la nourriture renvoie chacun dans sa propre histoire et dans son histoire familiale. C’est peut-être ça que l’on retrouve aujourd’hui parce que se nourrir va devenir une occupation plus importante qu’à l’ordinaire : des parents vont faire manger leurs enfants qui sont habituellement à la cantine ; eux-mêmes vont se préparer des repas qu’ils prennent habituellement à l’extérieur, tout ceci regroupe les notions de repas de famille, de goût de chacun ainsi que l’origine de ce qu’on va faire à manger. Les recettes sont souvent transmises de manière familiale de génération en génération, même si elles sont affaire de culture.
Les chefs parlent volontiers de l’influence d’une mère, souvent d’une grand-mère qui a décidé d’une certaine manière de leur vocation.
Je connais quelques grands chefs, plus particulièrement Régis Marcon en Haute-Loire où j’ai une maison familiale. Il exerce dans l’auberge que tenaient ses grands parents.
Le spécialiste des champignons.
Parce qu’ils font partie de l’environnement le plus immédiat.
Peut-on dire que la psychanalyse est une forme de cuisine ?
Je ne sais pas mais elle fait partie de ces choses qui renvoient à l’histoire de la famille. La cuisine saute souvent une génération. Ce sont les plats de la grand-mère (c’est souvent féminin) qui ont été délaissés par une génération parce qu’on en avait assez ou bien parce que c’était une cuisine pauvre et qui sont repris par les petits enfants. C’est de l’ordre de la transmission.
Les chefs parlent volontiers de l’influence d’une mère, souvent d’une grand-mère qui a décidé d’une certaine manière de leur vocation.
Je connais quelques grands chefs, plus particulièrement Régis Marcon en Haute-Loire où j’ai une maison familiale. Il exerce dans l’auberge que tenaient ses grands parents.
Le spécialiste des champignons.
Parce qu’ils font partie de l’environnement le plus immédiat.
Peut-on dire que la psychanalyse est une forme de cuisine ?
Je ne sais pas mais elle fait partie de ces choses qui renvoient à l’histoire de la famille. La cuisine saute souvent une génération. Ce sont les plats de la grand-mère (c’est souvent féminin) qui ont été délaissés par une génération parce qu’on en avait assez ou bien parce que c’était une cuisine pauvre et qui sont repris par les petits enfants. C’est de l’ordre de la transmission.
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Elle se ferait davantage par les mères et les grands-mères alors qu’il y a une majorité de grands chefs au masculin. On distingue souvent la cuisine des femmes, plus dans l’émotion et celle plus technique des hommes. Est-ce pertinent ?
C’est peut-être davantage une affaire de sociologie. Les chefs d’entreprises, donc de restaurants, sont plus des hommes mais il commence à y avoir des femmes étoilées. On parlait autrefois d’une cuisine de femmes à propos des bistrots lyonnais.
Vous soulignez à juste titre que les hommes sont actuellement plus présents que les femmes dans les milieux des affaires, mais la situation évolue.
Nous parlons de nourriture, que vous inspire la ruée sur le papier toilette ? Elle a amusé, indigné…
On demande actuellement aux gens de se laver le plus possible, le papier toilette est ce qui permet de nettoyer ce qu’on a de plus sale en soi. L’absence de papier toilette paraîtrait une catastrophe, dans ce sens-là. L’accumuler - c’est le côté psychanalyste jusqu’au bout des ongles – relève de l’anal. En simplifiant, bien sûr, le premier cadeau que l’on fait, c’est le caca que l’on offre à sa mère. Le fait de vouloir accumuler du papier toilette recèle cette dimension de cadeau ; on dit que les personnes avares sont sur ce versant-là. Il faut cependant moduler cette analyse parce que l’argent est autre chose, du symbolique.
On retrouve dans ce goût d’accumuler, cette attirance et en même temps ce dégoût pour la merde, ce qu’on appelait névrose obsessionnelle. Le papier hygiénique vient un peu condenser tout ça. Il y a une forme de jouissance à en avoir beaucoup et ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. On peut être riche à bon marché. (rires).
Il est plus facile d’accumuler du papier toilette que du foie gras et du caviar. Peut-on prévoir pour les prochaines fêtes des cadeaux emballés de papier toilette ?
Je ne sais pas mais on pourra envisager toutes sortes de lectures sur ce thème !
C’est peut-être davantage une affaire de sociologie. Les chefs d’entreprises, donc de restaurants, sont plus des hommes mais il commence à y avoir des femmes étoilées. On parlait autrefois d’une cuisine de femmes à propos des bistrots lyonnais.
Vous soulignez à juste titre que les hommes sont actuellement plus présents que les femmes dans les milieux des affaires, mais la situation évolue.
Nous parlons de nourriture, que vous inspire la ruée sur le papier toilette ? Elle a amusé, indigné…
On demande actuellement aux gens de se laver le plus possible, le papier toilette est ce qui permet de nettoyer ce qu’on a de plus sale en soi. L’absence de papier toilette paraîtrait une catastrophe, dans ce sens-là. L’accumuler - c’est le côté psychanalyste jusqu’au bout des ongles – relève de l’anal. En simplifiant, bien sûr, le premier cadeau que l’on fait, c’est le caca que l’on offre à sa mère. Le fait de vouloir accumuler du papier toilette recèle cette dimension de cadeau ; on dit que les personnes avares sont sur ce versant-là. Il faut cependant moduler cette analyse parce que l’argent est autre chose, du symbolique.
On retrouve dans ce goût d’accumuler, cette attirance et en même temps ce dégoût pour la merde, ce qu’on appelait névrose obsessionnelle. Le papier hygiénique vient un peu condenser tout ça. Il y a une forme de jouissance à en avoir beaucoup et ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. On peut être riche à bon marché. (rires).
Il est plus facile d’accumuler du papier toilette que du foie gras et du caviar. Peut-on prévoir pour les prochaines fêtes des cadeaux emballés de papier toilette ?
Je ne sais pas mais on pourra envisager toutes sortes de lectures sur ce thème !