Le chant révolutionnaire Bella Ciao
Le chant révolutionnaire « Bella Ciao » a été remis au goût du jour ces dernières années grâce à la série espagnole propulsée par Netflix, la « Casa de Papel », diffusée pour la première fois en 2017. Mais les férus d’Histoire savent que cette mélodie est populaire depuis bien plus longtemps. Cet air célèbre l’engagement dans le conflit des partisans italiens, qui ont résisté aux Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais l’origine exacte de « Bella Ciao » reste encore à débattre. Cependant, il y a bien une vérité autour de cette musique entraînante et ces paroles qui résonnent dans la tête, c’est son énergie symbolique, son dynamisme éternel qui la placent au niveau de légende. Est-ce pour cela qu’un saboteur a décidé de diffuser ce chant dans une mosquée, à la fin du ramadan à Istanbul ? Cet incident pour le moins insolite est dépeint dans le roman « Bella Ciao Istanbul » de Pierre Fréha. Une frasque inspirée de faits réels, qui s’est produit à Izmir en 2020. Le livre est disponible en format ebook et broché depuis octobre 2021. Cet ouvrage polémiste s’attaque à un sujet délicat entourant la Turquie, son peuple et son gouvernement souvent pointé du doigt et accusé de ne pas respecter les Droits de l’Homme. Après tout, la réputation des prisons turques les précède…
Istanbul, une ville aux multiples facettes
De nombreuses personnes commettent encore l’erreur impardonnable : mais si la capitale turque se situe à Ankara, Istanbul reste une cité dynamique et très diversifiée. Des communautés différentes s’y retrouvent. Très touristique, elle attire et fascine avec la sublime basilique Sainte-Sophie, dont le musée a été récemment transformé en mosquée sur ordre du président Erdogan. L’emplacement géographique de la ville et plus généralement du pays tout entier est une porte entre l’Occident et le Moyen-Orient. Face aux tensions constantes et menaces, l’émergence d’un régime autoritaire semble difficile à éviter…
Danilo Brankovic, le personnage principal
C’est bien cet aspect liberticide qui va animer le narrateur Danilo Brankovic. Français d’origine serbe, ce dernier a commis une grave erreur : s’exprimer au grand jour. Certes, ce personnage n’est pas un poète dans l’âme. Plutôt que de parler calmement et avec précaution, il préfère la provocation et le sarcasme. Mais dans un pays qui condamne fermement le « délit d’opinion », celui-ci reçoit la visite de policiers qui l’avertissent. Son salut réside sans doute dans le fait qu’il soit français et non turc. Même ses amis lui disent que sa nationalité lui « sauve la mise ». Au sein de ce récit assumé comme révolutionnaire et quasiment anarchiste, le protagoniste s’exprime à la première personne. Cet usage du « je » particulièrement intime invite le lecteur à contempler au plus près la colère, la haine et l’ampleur d’un bâtiment qui s’écroule au ralenti, puis de plus en plus vite.
Contraint de fuir la Turquie
Derrière cette haine de l’autorité et ce rejet des traditions étouffantes turques qui le débectent, le narrateur s’engage dans une longue complainte. Cet expatrié se voit laisser ce pays comme on abandonne un amant, un époux, une épouse : « Mes histoires d’amour, je les ai avec des pays, je me marie, je me pacse, je divorce. » Il lui sera d’ailleurs impossible d’entretenir une relation d’amitié, après cette vie dans le quartier conservateur de Fatih où les muezzins appellent à la prière, tout au long de la journée.
Un combat contre des vérités qui dérangent
Continuellement critique vis-à-vis de l’orgueil des Turcs, certaines citations marquent l’œil du lecteur qui ne manquera pas de constater l’agressivité du discours : « On va le cueillir, cet empire, il va nous tomber de l’arbre, bien mûr. Si on cesse de conquérir, on n’est rien. » En son cœur qui semble submergé par une colère vive et constante, qui ne désemplit pas, le narrateur mène un combat sans arme. Il souhaite que le pays reconnaisse le génocide et les erreurs dont elle serait coupable. Avec une arrogance assumée et une attitude très narcissique, ce personnage choque et dérange, alors qu’il provoque ouvertement son entourage, à coups de leçons de morale. Pourquoi s’entête-t-il à vouloir convaincre l’autre, puisqu’il a subi un lavage de cerveau ? Cette quête de la liberté prend parfois des angles humoristiques, tel l’épisode du « tambour du ramadan », qui annonce le début du premier repas de la journée, avant l’aube. Considéré comme un véritable tapage nocturne, cet élément joue sur la « santé mentale » du protagoniste, qui partage son malaise avec son amie grecque, établie en Turquie.
Pierre Fréha nous propose le journal intime d'un révolutionnaire
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Mais une énième pression aura raison de sa patience. Comme vidé et épuisé par un échange musclé avec les autorités, Danilo préfère quitter définitivement ce pays plutôt que d’avoir à subir en boucle ces tentatives d’enfermement, de repli sur soi. Ce serait là contraire à sa nature : un révolutionnaire qui ne se laisse jamais faire et délaisse sa belle Istanbul, sans regret…
Le site du livre : istanbul-bellaciao.fr
Le site du livre : istanbul-bellaciao.fr