Connectez-vous S'inscrire
Move-On Magazine

La Condition : Sous le vernis de la bourgeoisie, la violence des silences


Derrière les murs des belles demeures bourgeoises, se cachent souvent les pires violences. La Condition, le nouveau film de Jérôme Bonnell, plonge le spectateur dans l’enfer feutré d’une époque où le silence était une loi, et la révolte, un luxe interdit. Une œuvre puissante, qui résonne avec une actualité brûlante.


| Publié le Lundi 15 Décembre 2025 | |

Notre critique sur le film, La Condition

Film La Condition - Louise Chevillotte, Galatéa Bellugi -©Diaphana
Film La Condition - Louise Chevillotte, Galatéa Bellugi -©Diaphana
Cette semaine l’équipe Move-On Mag a mis à son agenda le nouveau film de Jérôme Bonnell, sorti le 10 décembre La Condition, d'après le roman Amours de Léonor de Récondo.

Le début du XXe siècle marque une époque charnière : celle où la bourgeoisie, devenue classe dominante, réinstalle une morale rigide et hypocrite, balayant les idéaux des Lumières. Jérôme Bonnell, le réalisateur, y voit une période fondatrice de nos propres contradictions. La Condition dépeint une société où la violence physique, psychologique, sociale se dissimule sous des dehors polis et civilisés.

Ce qui frappe, c’est la persistance de ces mécanismes aujourd’hui. La libération des mœurs n’a pas effacé les pièges tendus par cet héritage : culpabilisation des victimes, banalisation des abus, et surtout, cette bonne conscience collective qui permet aux bourreaux de se croire irréprochables. Le film ose montrer ce que la société refuse souvent de voir : un violeur n’est pas toujours un monstre grotesque. André, interprété avec une justesse troublante par Swann Arlaud, est un homme charmant, cultivé, capable de tendresse envers ses enfants. Pourtant, il viole sa domestique, puis sa femme, tout en se racontant une histoire où il reste un homme "bon et respectable".

Cette dualité est au cœur du propos du film. En humanisant André sans jamais l’excuser, Jérôme Bonnell force le spectateur à un malaise nécessaire : et si la violence était plus proche de nous que nous ne le pensons ? Le réalisateur souligne ainsi la complicité d’une société qui, en fermant les yeux, rend ces actes possibles. Les deux héroïnes, que tout oppose, incarnent deux réponses à l’oppression. Victoire, prisonnière de son rôle, se rebelle dans l’ombre, par des actes désespérés et des silences lourds de sens. Céleste, elle, résiste avec une dignité qui transperce l’écran. Leur relation, faite de méfiance puis de solidarité fragile, est le cœur battant du film.

Leur histoire rappelle que la sororité n’est pas toujours évidente, surtout quand la survie individuelle prime. Pourtant, c’est dans leurs regards, leurs gestes furtifs, que le film trouve sa puissance : la révolte, même silencieuse, est une force indomptable. À l’heure où les débats sur les violences conjugales et le consentement sont plus que jamais d’actualité, La Condition  offre une plongée historique qui éclaire notre présent.

Swann Arlaud, mais aussi les actrices incarnant Victoire et Céleste, livrent des interprétations d’une justesse rare.
Jérôme Bonnell évite l’écueil du misérabilisme pour livrer un film à la fois beau et cruel, où chaque plan sert le propos.
La Condition n’est pas seulement un film sur le passé. C’est un miroir tendu vers notre époque, une invitation à questionner les mécanismes de domination qui persistent, et une ode à la résistance des femmes, hier comme aujourd’hui.

Bande annonce sur le film, La Condition

Swann Arlaud, acteur français acclamé pour sa capacité à incarner des personnages profonds et ambivalents, se glisse ici dans la peau d’André, un bourgeois charismatique dont le charme n’est qu’une façade dissimulant une cruauté méthodique.

Après des rôles marquants dans Les Anonymes (2010) ou En guerre (2018), où il a démontré son talent pour explorer les zones d’ombre de l’âme humaine, Arlaud livre une performance glaçante dans La Condition.  André est un homme dont le sourire se fige en menace, dont les mots caressants se transforment en étau. Une interprétation qui dérange, fascine et interroge : et si le mal était plus proche de nous que nous ne le pensons ?

Louise Chevillotte, révélée par des rôles exigeants comme celui de L’Événement (2021) ou Les Amandiers (2022), incarne ici Victoire, une femme prisonnière des attentes d’une société qui lui dicte chaque geste, chaque sourire. Avec une justesse bouleversante, elle donne vie à une épouse déchirée entre soumission et révolte, dont le corps et l’esprit se rebellent contre les carcans d’une éducation oppressante. Son jeu, à la fois subtil et explosif, rend hommage à toutes les femmes qui ont dû jouer un rôle pour exister. Une performance qui marque les esprits et confirme son statut d’actrice incontournable du cinéma contemporain.

Jeune actrice au talent prometteur, Galatéa Bellugi incarne Céleste, la domestique dont la dignité silencieuse défie l’autorité d’André. Elle apporte à son personnage une présence à la fois discrète et électrisante. Son regard fier, ses gestes mesurés, et sa résistance obstinée font de Céleste bien plus qu’une victime : un symbole de résistance. Une interprétation qui confirme que Galatéa Bellugi est une actrice à suivre de près.

Emmanuelle Devos, figure majeure du cinéma français prête ses traits à la mère d’André, une femme dont l’élégance et le discours poli cachent une complicité troublante avec les agissements de son fils. Avec une maîtrise parfaite des non-dits, Devos incarne à merveille cette génération qui, sous couvert de respectabilité, perpétue les mécanismes de l’oppression. Son rôle, bien que secondaire, est essentiel : il rappelle que la violence est souvent un héritage, et que le silence peut être une arme.

Ensemble, ces quatre acteurs créent une tension permanente, où chaque regard échangé, chaque silence lourd de sens, et chaque éclat de voix devient un élément clé du récit. Sous la direction exigeante de Jérôme Bonnell, ils donnent vie à une histoire à la fois intime et universelle, où domination, soumission et révolte s’entremêlent avec une justesse rare.
À ne pas manquer : La Condition, un film qui bouleverse, questionne et reste gravé dans les mémoires bien après le générique de fin. En salles prochainement.

Les avis sur le film, La Condition

Film La Condition - Galatéa Bellugi - ©Diaphana
Film La Condition - Galatéa Bellugi - ©Diaphana
Pokbry, Publiée le 20 octobre 2025
J’ai vu La Condition de Jérôme Bonnell en avant-première au Festival Lumière. Le film suit des personnages confrontés à leurs choix et à leurs émotions. La mise en scène est simple et naturelle, sans effets inutiles. Les acteurs sont justes et rendent les personnages crédibles. Certaines scènes sont un peu lentes, mais elles donnent du temps pour comprendre les relations. C’est un film délicat, émouvant et accessible.

selenie,  Publiée le 12 décembre 2025
Le réalisateur-scénariste a ajouté deux personnages dans son histoire qui enrichissent vraiment le récit et l'évolution dramatique intra-familiale. Il s'agit de la mère de André/Arlaud jouée par une Emmanuelle Devos indigne et abjecte à souhait, et du personnage de Alphonse Lajardie joué par François Chattot en vieux monsieur bien plus important qu'il n'y paraît au premier abord. Le cinéaste est assez intelligent pour ne pas tomber dans le piège du féminisme facile et/ou dans un manichéïsme à charge anti-patriarcal. En effet, l'époux André/Arlaud est un homme de son temps avant tout, sa position sociale s'impose à lui et ce malgré un lourd secret, mais il se bat contre lui-même pour ne pas devenir un monstre mené par de bas instinct même si sa position s'éveille quand il faut "compenser" le devoir conjugal. Jérôme Bonnell a déclaré vouloir montrer aussi une époque "marquée par un retour brutal de la morale de la religion", cependant sur ce point le film demeure pourtant plutôt mesuré, tout juste suffisamment abordé car au final le plus intéressant reste la maternité, l'envie de devenir mère, la filiation avec deux femmes dans des positions différentes mais qui restent liées par l'instinct maternelle. Un très bon et très beau film.
Site : Selenie

Synopsis

Film La Condition - Affiche Officielle ©Diaphana
Film La Condition - Affiche Officielle ©Diaphana
1908, Paris.

Céleste, une jeune domestique, entre au service de Victoire et André, un couple bourgeois en apparence exemplaire. Dans cette maison où chaque objet et chaque geste sont codifiés, les règles de la bienséance étouffent les désirs et les vérités. Victoire, prisonnière du rôle d’épouse modèle qu’elle ne parvient pas à incarner, et Céleste, soumise mais lucide, partagent un quotidien fait de non-dits et de tensions sourdes.

Alors que la société de l’époque impose aux femmes le silence et la soumission, ces deux destins vont se heurter, puis s’entremêler, dans une lutte muette contre l’oppression masculine et les conventions sociales. La Condition explore les mécanismes de la domination, où la violence se cache derrière les sourires, et où la révolte, même étouffée, finit toujours par percer le vernis des apparences.

Film La Condition - Louise Chevillotte, Swann Arlaud - ©Diaphana
Film La Condition - Louise Chevillotte, Swann Arlaud - ©Diaphana


Notez



Dans la rubrique Culture :
< >

Mardi 30 Septembre 2025 - 12:28 Nino : 72 heures pour renaître


Marie-Laure Laville
Curieuse insatiable, je puise également mon inspiration dans la culture, que j'explore avec... En savoir plus sur cet auteur


   < PDF version Papier < PDF version Papier      

Nouveau commentaire :

Festival | Concert | Exposition | Spectacle | Danse | Théâtre | Cinéma | Conférence | Littérature

Je reste informé !

Recherche par mots-clés



Les News Fraîches !

L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 31        



Ajouter mon événement à l'agenda gratuitement !





Lien Facebook MoveOnMagazineLien Facebook MoveOnMagazine SportLien Facebook MoveOnMagazine CorporateLien Facebook MoveOnMagazine Nocturne Lien Twitter MoveOn MagazineLien Instagram MoveOn Magazine Lien Google News MoveOn Magazine






Nos Reportages Photos Cuturel
220722-004558- TML 2022- DSC_7113- JJ
1- Musilac Festival 2022 @DamienTiberio
victor-marc-7253
1-OpenDeFranceDeSkateBoard-MetzTessy-Juillet2022©DamienTiberio
Eliot Nochez, le goût du défi ©DR
Le marché de noël2021 à Annecy, aux chalets Le Chérubin et Bieronomy.com
affichage-hopital-