Lorsqu’on prend place dans la prestigieuse salle de Bonlieu, quelques minutes avant le début du concert, ma collègue et moi rions un peu nerveusement de nous retrouver dans un milieu qui n’est pas du tout le nôtre – la moyenne d’âge est aussi élevée que les talons de la plupart de ces dames. À 21h pile, les lumières baissent, le silence s’installe. Nous gloussons encore un peu. Les musiciens apparaissent, les instruments calés, le chef d’orchestre arrive et, d’un geste de baguette, fige le temps. On ne rit plus du tout. Les contrebasses viennent titiller nos tripes, les coups de cymbales réveillent de vieux souvenirs un peu régressifs (Mickey dans Fantasia, rien que ça !), et les grosses caisses, là-bas au fond à droite, me font l’effet jubilatoire d’une bande annonce d’un film d’Universal. Frissons. Le piano, qui s’ajoute à l’orchestre symphonique dans un deuxième mouvement, est étourdissant, et je reste persuadée d’avoir vu les touches fumer un peu. Et de l’avoir vu traverser la salle en tourbillonnant, comme Novecento, dans le roman éponyme. Projetée dans ma dimension intérieure, scotchée à mon siège, je suis abasourdie par la puissance du chuchotement des violons, et de la portée émotionnelle de l’orchestre, même lorsqu’il joue « piano, piano ».
L’homogénéité de cet ensemble, pourtant si complexe, est fascinante. Depuis mon point de vue relativement éloigné, au sens propre comme au figuré, les mouvements des doigts sur les hautbois et des archers sur les violoncelles vont dans le même sens, alors que les notes virevoltantes me racontent un nombre incalculable de choses - le plaisir de pouvoir s’émerveiller naïvement n’est pas donné à tout le monde. Je me surprends alors à m’évader, à me faire la tangente dans cette discussion au cours de laquelle une note me fait digresser, tandis qu’une autre ne tarde pas à me rappeler pour me ramener à cette conversation joyeuse et variée, me laissant ainsi porter au gré des rythmes et des pensées.
Puis les poings du chef d’orchestre se ferment, le silence à nouveau. Souffle suspendu. Prise d’une bouffée d’enthousiasme, je m’apprête à applaudir de tout mon cœur quand j’entends siffler des « chuuuuts ! », aux quatre coins de la salle. Comment ça, on n’a pas le droit d’applaudir ?! Je veux bien ne pas crier mon bonheur au beau milieu de la symphonie, mais tout de même, alors que les instruments se taisent, pas le droit quand même ?! La conspiration semble générale, l’accord est aussi tacite qu’injonctif, probablement ancestral. Aaah, les codes, les codes, les codes… Seuls les naïfs pensent que la joie et la gratitude peuvent ne pas suivre de règles. J’applaudirai tout de même, à la fin, de bonne grâce et comme il se doit – mais la ferveur est retombée, l’enthousiasme entamé pour laisser place à l’amertume de n’avoir pu partager, le moment venu, le plaisir d’une émotion saisie au vol. M’en fous, vendredi (j’y retourne !), j’applaudis. Au milieu. Enfin, j’crois.
Alors que l’on quittait la salle, plusieurs formules nous sont venues à l’esprit pour qualifier l’expérience. « Une expérience trippante » (qui fait voyager ET qui vient des tripes). « Une caresse au cerveau» . Ma collègue, ravie, me dit : « Ça envoie du steak ! ». À vous de voir celle qui vous convient le mieux. Tant mieux, vous avez jusqu’à dimanche, dernière journée du festival. :)
Toutes les infos sur le site du festival.
L’homogénéité de cet ensemble, pourtant si complexe, est fascinante. Depuis mon point de vue relativement éloigné, au sens propre comme au figuré, les mouvements des doigts sur les hautbois et des archers sur les violoncelles vont dans le même sens, alors que les notes virevoltantes me racontent un nombre incalculable de choses - le plaisir de pouvoir s’émerveiller naïvement n’est pas donné à tout le monde. Je me surprends alors à m’évader, à me faire la tangente dans cette discussion au cours de laquelle une note me fait digresser, tandis qu’une autre ne tarde pas à me rappeler pour me ramener à cette conversation joyeuse et variée, me laissant ainsi porter au gré des rythmes et des pensées.
Puis les poings du chef d’orchestre se ferment, le silence à nouveau. Souffle suspendu. Prise d’une bouffée d’enthousiasme, je m’apprête à applaudir de tout mon cœur quand j’entends siffler des « chuuuuts ! », aux quatre coins de la salle. Comment ça, on n’a pas le droit d’applaudir ?! Je veux bien ne pas crier mon bonheur au beau milieu de la symphonie, mais tout de même, alors que les instruments se taisent, pas le droit quand même ?! La conspiration semble générale, l’accord est aussi tacite qu’injonctif, probablement ancestral. Aaah, les codes, les codes, les codes… Seuls les naïfs pensent que la joie et la gratitude peuvent ne pas suivre de règles. J’applaudirai tout de même, à la fin, de bonne grâce et comme il se doit – mais la ferveur est retombée, l’enthousiasme entamé pour laisser place à l’amertume de n’avoir pu partager, le moment venu, le plaisir d’une émotion saisie au vol. M’en fous, vendredi (j’y retourne !), j’applaudis. Au milieu. Enfin, j’crois.
Alors que l’on quittait la salle, plusieurs formules nous sont venues à l’esprit pour qualifier l’expérience. « Une expérience trippante » (qui fait voyager ET qui vient des tripes). « Une caresse au cerveau» . Ma collègue, ravie, me dit : « Ça envoie du steak ! ». À vous de voir celle qui vous convient le mieux. Tant mieux, vous avez jusqu’à dimanche, dernière journée du festival. :)
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