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Move-On Magazine

Du jazz à l’extase avec André Manoukian : interview cosmique et sexologique à Chamonix


Par Magali Croset-Calisto, sexologue clinicienne.
Le festival « Cosmojazz » de Chamonix créé par André Manoukian a fêté sa sixième année cet été. Au terme de 10 jours de jazz éclectique dans les hauteurs, je vous propose de découvrir une interview cosmique et sexologique plutôt décalée, que le compositeur aux multiples talents a eu l’audace de m’accorder, face au plus haut sommet d’Europe…


| Publié le Lundi 7 Septembre 2015 |

André manoukian avec Dan Tepfer au CosmoJazz (photo Jacques Bayol)
André manoukian avec Dan Tepfer au CosmoJazz (photo Jacques Bayol)

André manoukian CosmoJazz (photo Jacques Bayol)
André manoukian CosmoJazz (photo Jacques Bayol)
Magali Croset-Calisto (MC2) :
André Manoukian, certains chantres du rock, tel Ian Dury avec son titre Sex&drugs&rock’n roll revendiquent un mode de vie ciblé pour caractériser leur style musical. Selon vous, quelle est la meilleure définition du jazz et quelle formule représenterait au mieux l’esprit de ce fabuleux festival « Cosmojazz » de Chamonix, dont vous êtes à l’origine ?

 
André Manoukian (AM) : « L’EXTASE ».
La formule qui représente véritablement ce festival de jazz est : l’EXTASE. Le festival Cosmojazz de Chamonix a accueilli plus de 20 000 personnes dans les montagnes cette année. Durant ces dix jours, on a pu encore assister tant à la rencontre des éléments naturels qu’à celle des musiciens avec leur public et ce, dans un cadre aérien exceptionnel… Cela donne une dimension indéniablement cosmique aux concerts… et puisque cette interview se conjugue sur le mode de la sexualité, je dirais que le jazz est une métaphore musicale de l’orgasme « solaire » ; « solaire » dans le sens où l’entendait l’écrivain Michel Tournier, c’est-à-dire philosophique, au-delà même de son aspect purement génital et sexuel. D’autres genres musicaux comme le rock ou la musique punk se chargent de véhiculer directement les enjeux du sexe. Dans le jazz, il s’agit d’inattendus, de libertés improvisées, d’harmonies et de dissonances, de variations à l’infini  (nous venons d’entendre d’ailleurs le pianiste Dan Tepfer rejouer les Variations de Golberg de Bach avec pour toile de fond une vue splendide sur le Mont Blanc !). L’extase, oui.
 

MC2 : Vous diriez donc qu’il existe un potentiel érotique du jazz, potentiel érotique autre qu’un rapport direct à l’invitation sexuelle, notamment en ce qui concerne Cosmojazz ? Quel effet produit ce festival d’altitude sur le public ? Sur les musiciens ?
 
AM : Lorsque j’évoquais l’extase comme approche pouvant représenter ce festival - en altitude le jour et à la Maison des artistes et dans d’autres lieux de Chamonix la nuit (Hôtel Alpina et d’autres endroits partenaires) -  je pourrais aller encore plus loin en disant qu’au-delà de l’extase, c’est de l’épectase dont il s’agit. Cette tension fabuleuse dont les jazzmen « en live » ont le secret… cette vibration improvisée en boucle qui vous met dans tous vos états, jusqu’à transcender l’être et le faire accéder à une autre dimension. C’est aussi l’effet des « climax », ces moments géniaux qui de gradation en gradation, vous font parvenir à la tension suprême. Car le jazz nous transporte. C’est l’enjeu avec Cosmojazz, le cadre des cimes rejoint le contenu musical. Une osmose est possible. C’est un déroulement, un enchaînement de rencontres et d’éléments dont l’effet provoque une dimension tantrique, faite de liberté et d’expansion…
 

André manoukian CosmoJazz (photo Jacques Bayol)
André manoukian CosmoJazz (photo Jacques Bayol)
MC2 : La construction des morceaux de jazz pourrait-elle se concevoir aussi comme une métaphore du rapport sexuel mettant en situation les quatre phases de l’orgasme, à savoir : la phase d’excitation, la phase de plateau, la phase de l’orgasme et puis la dernière phase de résolution ?
 
AM : Eh… ! A vrai dire, l’idéal du jazz serait un orgasme permanent, dans le sens du renouvellement possible et continu de la jouissance. C’est cette dimension tantrique de l’enchainement dans le renouvellement qui est en jeu. Le jazz est avant tout une rencontre : une première rencontre entre musiciens, puis une seconde avec le public. Un plaisir palpable naît de ces rencontres, il se forme et s’intensifie au fil des dialogues improvisés que les musiciens vont pouvoir échanger. C’est comme en amour, tout dépend donc de l’alchimie entre les partenaires ! Mais comme je vous le disais, il y a également un enjeu supplémentaire : le public. Sans public, le jazz ne pourrait exister. Le jazz est fait pour être joué en live devant des auditeurs à séduire. Si le public est distrait ou s’il ne suit pas, les musiciens ne pourront se transcender et accéder à l’extase. Un système d’échos prend forme à différents niveaux. En fait, le public agit comme un révélateur, on peut même aller plus loin en disant que le public est comme un voyeur qui assiste et contemple les jeux et connivences des différents partenaires du trio, quatuor (ou plus !) qui s’offrent à lui… le jazz n’est pas la musique la plus sexuelle, mais je pense qu’elle est la plus libre. C’est l’un des meilleurs lieux de rencontres.. Un lieu de rencontres où l’on assiste au final à des préliminaires qui durent.


MC2 : De plus en plus de patients consultent en sexologie pour un phénomène d’anéjaculation, c’est-à-dire un état d’excitation qui ne trouve pas sa résolution finale par l’éjaculation. Pour poursuivre le fil de la métaphore, comment décririez-vous la phase de résolution du jazz ?
 
AM : L’anéjaculation ? Oh c’est le rêve ! Non, j’imagine bien-sûr que cela représente une pathologie... Ce qui diffère dans l’approche tantrique du jazz, c’est justement cette faculté de pouvoir obtenir un orgasme, puis un autre, et encore un autre... La phase de résolution du jazz n’existe pas vraiment, ou alors elle apparaît lorsque le concert se termine, mais cela peut durer des heures avant… C’est l’orgasme multiple - comme dans le tantrisme - qui est important.


MC2 : Existe-t-il parfois des pannes dans les improvisations de jazz, à l’instar des pannes sexuelles ?
 
AM : Et oui, c’est un fait qui peut aussi arriver… Les pannes peuvent surgir lorsque le musicien ne réussit pas à être totalement présent dans son morceau, lorsqu’il n’investit pas entièrement sa performance et finalement se regarde jouer… la conscience de jouer coupe la spirale.
Et puis il y a aussi l’effet « éjaculation précoce ». Quand un musicien « lâche tout » avant même d’avoir vraiment commencé… Là c’est vraiment difficile pour le jazzman car ensuite il faut s’accrocher pour rester dans la course, pour se relancer petit à petit et pouvoir durer !


MC2 : Il m’arrive d’accueillir en consultation des « hypersportifs » addicts de la course en montagne (l’Ultra-trail du Mont Blanc attirent des milliers de « traileurs » du monde entier chaque année à Chamonix). Avec Cosmojazz, vous alliez montagne et jazz jusqu'aux sommets, n’avez-vous pas peur d’initier une double addiction « du corps et de l’esprit » dans la vallée de Chamonix ?!
 
AM (rires) : A la bonne heure !!!


MC2 : André Manoukian, nous allons terminer cette interview « sexo-jazz »par trois questions qui attendent une réponse sur le mode du « tac au tac ».

AM : Très bien.

MC2 : Si Cosmojazz était une boisson ?
AM : Du Génépi !

MC2 : Si Cosmojazz était une position ?
AM : Position allongée… couchée dans l’herbe.

MC2 : Si Cosmojazz était un personnage de fiction ?
AM : Schéhérazade. Conteuse hors pair, qui tient en haleine son auditoire et relance sans cesse les histoires…. Comme le jazz !
 

André manoukian CosmoJazz (photo Lauriane Santy)
André manoukian CosmoJazz (photo Lauriane Santy)


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